1/3 des produits chimiques non conformes à la réglementation

Les industriels sont soumis la règlementation REACH* de l’Union européenne (UE) destinée à sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques, en vue de mieux protéger la santé humaine et l’environnement. Ainsi, depuis 2010, toutes les substances chimiques importées ou produites en Europe doivent être enregistrées par les industriels auprès de l’Echa (l’Agence européenne des produits chimiques). « Pas de données, pas de marché » est le principe fondateur du REACH. « C’est aux entreprises de fournir des données scientifiques, explique Christel Musset, directrice de l’enregistrement à l’Echa. C’est leur responsabilité première d’identifier les risques liés à la substance chimique et de recommander comment les utiliser en toute sécurité ».

Or, en octobre 2018, après plus de trois ans d’enquête, l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR) a démontré que 32 % des 3 800 substances chimiques enregistrées auprès de l’Echa ne sont pas conformes à la législation européenne. En effet, le principe même du REACH est très largement contourné par les industriels qui, bien souvent, ne fournissent que des informations parcellaires. Les dossiers rendus sont incomplets, obligeant l’Echa à demander davantage d’informations, ce qui permet aux industriels de gagner du temps. Quant aux données fournies, difficile d’en établir la qualité : études toxicologiques, effets d’exposition à long terme, impacts sur l’environnement, scénarios d’exposition pour une utilisation sans danger… À tous ces niveaux, des manquements sont constatés par l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques. Le taux de substances jugées conformes s’élève quant à lui à 31 %. Le différentiel de 37% correspond aux substances n’ayant pu être convenablement analysées faute de données suffisantes.

Pour Tatiana Santos, en charge du dossier « produits chimiques » au Bureau européen de l’environnement (BEE), « l’industrie chimique viole la loi et les policiers la laissent faire. Ceci doit changer. L’UE dispose des meilleures règles au monde, mais celles-ci figurent parmi les plus mal appliquées ».

De leurs côtés, les industriels se défendent de toute tricherie. Pour Philippe Prudhon, directeur des affaires techniques chez France Chimie, « (…) Parfois, le dossier n’est pas formellement rempli, le temps de s’organiser pour faire des tests ou des études supplémentaires. D’autres fois, le test proposé n’est pas adéquat pour la substance soumise ». Une justification qualifiée de « trop légère » par les ONG, qui regrettent le manque de contrôles et l’absence de sanctions. En effet, si l’Echa vérifie chaque dossier d’enregistrement (deux tiers sont traités informatiquement et un tiers manuellement), le contrôle qualité n’est effectué que dans 5 % des cas. « Et nous n’avons les ressources humaines que pour vérifier ces 5 % de dossiers », déplore Christel Musset. Et en cas de non-conformité des dossiers d’enregistrement, il ne se passe pratiquement rien. L’Echa et les États membres de l’UE se renvoient la responsabilité des décisions quant aux sanctions. Depuis 2010, seuls 38 cas ont fait l’objet d’une décision finale de non-conformité…

Faute de pouvoir sanctionner efficacement, l’une des pistes avancée est le « naming and shaming », c’est-à-dire nommer et dénoncer les entreprises défaillantes…


* « Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals » (Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques). Le règlement est entré en vigueur le 1er juin 2007, mais les industriels avaient  jusqu’au 31 mai 2018 pour s’y conformer.

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