La dégradation du patrimoine naturel menace notre alimentation

La FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) a publié le 22 février 2019 un rapport* alarmant dans lequel elle constate une érosion accélérée du patrimoine naturel mondial, ce qui constitue une grave menace pour l’avenir de l’alimentation humaine. Ce rapport, élaboré sous la direction de la Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture, dresse un inventaire exhaustif de la biodiversité, établi sur la base d’informations collectées auprès de 91 pays. Il révèle que des pans entiers d’organismes vivants (animaux et végétaux) disparaissent à très grande vitesse. Or, si de nombreuses espèces sont impropres à la consommation humaine, elles sont en revanche indispensables pour assurer notre sécurité alimentaire (élimination de parasites et des maladies, amélioration de la biodiversité des sols, développement de la reproduction végétale). La FAO rappelle à ce titre que 75 % des récoltes dans le monde dépendent de la pollinisation. Cette dégradation est due au déclin rapide des habitats de ces espèces (forêts, zones humides, pâturages, récifs coralliens…) couplé à d’autres facteurs : pollution, surexploitations des terres, surpêche, gestion non durable des ressources, urbanisation…

Le rapport pointe un autre problème : le manque de diversité dans la production agricole. Nous avons une forte tendance à la concentration et à la quasi-monoculture, qu’il s’agisse de l’élevage ou de la culture. En effet, alors que l’on dénombre 7 745 races de bétail locales dans le monde, la production animale ne repose que sur une quarantaine d’espèces parmi lesquelles seules quelques-unes fournissent la majorité de la viande, du lait et des œufs. Du côté des végétaux, on compte moins de 200 types de plantes qui contribuent substantiellement à la production mondiale sur les 6 000 qui sont cultivées à des fins alimentaires. « Les productions agricoles qui manquent de diversité dans les cultures sont beaucoup plus vulnérables à des chocs comme des maladies ou des parasites que celles reposant sur davantage de biodiversité », indiquent les experts.

D’un bout à l’autre des régions du monde, les impacts ne sont pas les mêmes. Ainsi, d’après le rapport, la biodiversité dans les pays d’Afrique est mise à mal par la surexploitation, la chasse et le braconnage, tandis qu’en Europe, ce sont la déforestation et le développement d’une agriculture intensive qui causent des dégâts.

La FAO souligne malgré tout des améliorations, avec la progression de méthodes agricoles visant à favoriser la biodiversité (agriculture biologique, agroforesterie, approche plus écosystémique de la pêche). Mais elle dénonce des cadres juridique, politique et institutionnel « souvent inadéquats et insuffisants ». Le rapport préconise notamment d’améliorer l’état des connaissances sur la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture (de nombreuses espèces, principalement des bactéries, et leurs impacts sont encore inconnus), de développer plus de marchés pour des produits respectueux de la biodiversité ou encore d’améliorer la collaboration entre les décideurs, les organisations de producteurs, les consommateurs, le secteur privé et les organisations de la société civile dans les secteurs de l’alimentation, de l’agriculture et de l’environnement. Enfin, les experts pointent le rôle du grand public sur ces questions. Les consommateurs doivent être impliqués dans la surveillance de la biodiversité et avoir la possibilité d’accéder facilement à des produits plus durables.

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