Grande distribution / E-commerce : la bataille fait rage

Les géants du Web ont gagné la bataille du non alimentaire. À titre d’exemple, c’est notamment le cas d’Amazon, leader incontesté des ventes en France dans les domaines de l’informatique grand public, du high-tech et du son. Un secteur dans lequel la grande distribution peine. Le modèle de l’hypermarché universel, où l’on trouve tout à la fois légumes, produits d’entretien, vêtements, petit électroménager… semble voué à s’effacer. Georges Plassat, ex-P-DG du groupe Carrefour, déclarait lui-même en mars dernier : « Nous avons perdu la bataille du non-alimentaire », quelques semaines avant de passer la main à son successeur. Carrefour envisage d’ailleurs une baisse du poids des hypers dans le chiffre d’affaires du groupe : il  passerait sous la barre des 50 % à l’horizon 2019, alors qu’il flirtait encore avec les 60 % il y a peu. Les rayons consacrés au non-alimentaire (high-tech, électroménager, livres) sont dans le collimateur. Ils doivent disparaître ou survivre sous forme résiduelle (opérations promotionnelles, par exemple).
De leur côté, les représentants CGT de la grande distribution déplorent cette politique du renoncement : « Les enseignes se séparent de pans entiers d’activité (en abandonnant des surfaces de vente à des enseignes extérieures), sans avoir réellement mené de bataille », regrette Frank Gaulin, délégué national CGT Carrefour hypermarchés. « Pourquoi n’avoir pas travaillé, par exemple, sur le concept de vendeur-conseiller, très pointu sur son secteur. Les clients cherchent du conseil et de la fiabilité. On aurait pu jouer cette carte. Or, malgré nos demandes répétées à la direction de Carrefour, les vendeurs n’ont reçu aucune formation », déplore-il.
Les hypers et supermarchés ne sont pas pour autant morts et enterrés, notamment en ce qui concerne le rayon frais. Car si Amazon s’est aussi lancé dans l’offre alimentaire, l’entreprise se heurte à plusieurs problèmes, notamment sa stratégie basée sur une politique de prix très agressive. Or, dans le secteur de l’agroalimentaire, cela implique l’achat de volumes colossaux. Ce qui n’est pas dans les habitudes d’Amazon qui propose quantité de produits différents avec un faible stock.

Jean-Marc Liduena, expert en stratégie dans le secteur des biens de consommation et distribution, estime que « e-commerce et grande distribution ne vont pas devenir concurrents mais vont converger. » Chacun devra, pour se développer, proposer aux consommateurs l’ensemble des canaux existants (magasins, vente en ligne, livraison à domicile, drive). Cela implique donc des rachats d’enseignes de part et d’autre pour assoir son positionnement (Carrefour s’est offert le site Internet Rueducommerce.fr, tandis que Casino a racheté Cdiscount.com).

Les enseignes travaillent en parallèle sur de nouveaux services, comme des systèmes d’étiquettes numériques intelligentes permettant de faire varier les prix en fonction des jours, de la demande, etc. (cf. article sur les prix dynamiques dans la lettre d’information du 11 août 2017), ou encore sur des procédés d’étiquettes interactives synchronisées avec le compte fidélité du client. Ce dispositif permettrait au consommateur de bénéficier d’un prix « personnalisé » intégrant les promotions ou réductions fidélités correspondant à son profil. La grande distribution serait également prête à afficher les avis « client » sur des écrans, consciente du succès des avis de consommateurs sur Internet.

Enfin, la grande distribution bénéficie d’une plus grande crédibilité sur la traçabilité. D’après une enquête de l’UFC-Que choisir, la mention de l’origine représente l’un des points forts des hypers. Des ateliers rencontres ou des cours de cuisine en présence des producteurs dans les magasins sont également à l’étude. Les grandes enseignes n’ont pas encore jeté l’éponge face à la poussée des acteurs d’Internet…

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