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Les dérives de l’édition à compte d’auteur

L’édition à compte d’auteur consiste pour un auteur à faire éditer ses ouvrages par un éditeur qui assure seulement la partie technique de l’édition et de la diffusion. L’auteur demeure redevable des frais d’impression et de publicité. Le secteur est en plein essor mais également l’objet de graves dérives.

L’association UFC Que Choisir a mené une enquête sur le secteur de l’édition à compte d’auteur. Plusieurs maisons d’édition proposent des services en ligne, moyennant quelques centaines (voire milliers) d’euros. Une pratique légale mais qui dans certains cas se révèle malhonnête, et ce sont les auteurs amateurs qui en font les frais.

En effet, certaines structures laissent à penser aux apprentis écrivains qu’ils signent un vrai contrat d’édition « alors qu’en réalité, il ne s’agit que d’une prestation de service. Une fois le chèque encaissé, les entreprises laissent les auteurs sur le carreau », explique Patrice Locmant, président de la Société des gens de lettres, une association qui défend les auteurs. Les contrats en question exigent des participations forfaitaires qui s’élèvent de 800 € à plus de 2 000 €.

Outre ces méthodes douteuses, le secteur est également en proie aux techniques d’hameçonnage : sur des plateformes d’écriture, de jeunes auteurs – parfois mineurs – sont contactés via les commentaires sous leur texte avec des messages élogieux. Une fois le contact établi, ces soi-disant éditeurs proposent des contrats dans lesquels l’auteur s’engage à payer.
Derrière, le travail éditorial est inexistant : pas de relecture, des exemplaires aux pages qui se détachent, aucune promotion…

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Des millions d’euros de chiffre d’affaires

De leur côté, les éditeurs à compte d’auteur génèrent plusieurs millions de chiffre d’affaires annuel. Sur les moteurs de recherche en ligne, la requête « comment publier mon livre » génère des résultats sponsorisés qui promeuvent ces offres. Cela fonctionne d’autant plus que les Français sont nombreux à être intéressés par cette activité. En effet, selon un sondage Le Figaro Littéraire/Odoxa datant de 2022, 12 millions de personnes rêvent d’écrire un livre.

Mais les maisons d’édition classiques étant plus réticentes à publier des primo-romanciers, ces derniers se tournent vers des offres payantes. Or, ce processus transforme le statut d’écrivain, comme l’explique à l’UFC Que choisir Émilie Le Mappian, responsable du service juridique de la Société des gens de lettres : « Dès qu’il y a une participation financière directe ou indirecte, le contrat est considéré comme n’étant pas un contrat d’édition véritable. L’enjeu derrière, c’est toutes les règles protectrices de l’auteur qui disparaissent ».

Mesures de prévention

Face à ces nombreuses déconvenues, de nombreux auteurs désenchantés se retrouvent dans des groupes d’entraide. Par mesure de prévention, Émilie Le Mappian conseille d’envoyer son contrat à la Société des gens de lettres avant de le signer, un service ayant été mis en place il y a peu pour les non-adhérents. « Le contrat à compte d’auteur n’est pas illégal en soi et peut être un choix conscient. Par contre, c’est important de signer en toute connaissance de cause. Pour ceux qui ont déjà signé et qui peuvent justifier de la tromperie, il est possible d’annuler le contrat pour vice de consentement. Dans certains cas, on peut même saisir le tribunal de proximité sans assistance d’avocat », prévient-elle.

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