Le pétrolier Total s’est vu délivrer, le 16 mai dernier, l’autorisation d’ouvrir une “bio-raffinerie“ dans les Bouches-du-Rhône qui utilisera à l’huile de palme venant d’Asie du Sud-Est. Le géant pétrolier a pour ambition de produire 500 000 tonnes par an de biodiesel qui n’a de bio que le nom. Cette nouvelle ne réjouit personne. En effet, la FNSEA (premier syndicat agricole Français) voit d’un très mauvais œil la concurrence au biodiesel, produit à base d’huile de colza français. Stéphane Travers, ministre de l’Agriculture, soutient la FNSEA. De leur côté, les ONG environnementales dénoncent les effets dévastateurs sur le climat et la biodiversité de l’huile de palme. Enfin Nicolas Hulot, Ministre de la Transition écologique, n’est pas non plus favorable à cette ouverture.
Deux jours après cette autorisation, Nicolas Hulot a déclaré à Marseille la « mobilisation de la France en faveur de la préservation de la biodiversité », ce que d’aucuns ont du mal à croire puisque la production d’huile de palme provoque des ravages dans les forêts équatoriales primaires. Elle détruit la faune endémique qui compte plusieurs espèces de singes ainsi que le tigre de Sumatra. Les cultures vivrières des populations autochtones disparaissent au profit de l’huile de palme. Enfin, le bilan carbone des agro-carburants (ou « bio-carburants ») s’avère être catastrophique : ceux qui sont à base d’huile de palme sont 3 fois plus nocifs pour le climat, ceux à base de soja le sont 2 fois plus, ceux à base de colza 1,2 fois plus, selon l’ONG Bruxelloise Transport et Environment.
Pourtant, en juillet 2017, Nicolas Hulot avait déclaré vouloir mettre fin à l’importation de produits forestiers ou agricoles contribuant à la déforestation d’ici à mars 2018. Force est de constater que le ministre subit plusieurs pressions. D’une part, la Malaisie et l’Indonésie, premiers producteurs d’huile de palme au monde, ont menacé la France de ne plus acheter ses avions militaires. D’autre part, le géant Total a affirmé sa volonté de produire du bio-carburant à base d’huile de palme avec un prix défiant toute concurrence. La FNSEA et le syndicat des Jeunes Agriculteurs (JA) ont lancé un mouvement de blocage de 14 raffineries et dépôts de carburant le 10 juin dernier pour protester contre la concurrence déloyale faite à la filière française de biodiesels (colza et tournesol).
La production de l’huile de palme intensive produit des effets induits non-négligeables, appelés « effets domino ». Alain Karsenty, économiste au Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, démontre la dangerosité de ces effets sur l’environnement « puisqu’il faudra déforester de nouvelles surfaces pour continuer à satisfaire la demande mondiale en huile de palme alimentaire ». Ces effets, connus sous le nom de « changement d’affectation indirect des sols », ne sont pas pris en compte dans les calculs du bilan carbone, car si c’était le cas, « [les produits] à base d’huile de palme présenteraient le pire bilan carbone du marché », insiste le chercheur.
Bien que peu cher, Total risque d’avoir du mal à trouver des débouchés en France pour son biodiesel, puisque plusieurs distributeurs se détournent de ce carburant, comme Leclerc ou encore Intermarché qui a élaboré un plan de sortie d’ici trois ans, obtenu par l’ONG les Amis de la Terre.