Le 28 juin 2019, au siège de la Commission européenne à Bruxelles, un accord de libre-échange a été conclu entre l’Union européenne (UE) et le Mercorsur (Marché commun du Sud, réunissant Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay). Il s’agit du plus grand accord du genre jamais négocié par l’UE puisqu’il devrait créer un marché intégré de 780 millions de citoyens-consommateurs, sud-américains et européens. Il fait l’objet de discussions depuis près de 20 ans, notamment sur le volet agricole pour lequel les négociations ont été compliquées. Cet accord fait polémique auprès des écologistes mais également des agriculteurs.
Le texte prévoit notamment la suppression de plus de 90 % des droits de douanes, dans l’industrie et dans l’agriculture. Dans le premier cas, ces taxes seront progressivement éliminées sur les voitures, pièces détachées, équipements industriels, chimie, habillement et produits pharmaceutiques. Dans le second cas, le vin, le chocolat, les spiritueux, les biscuits mais aussi les boissons gazeuses ou les olives en provenance des pays du Sud ne seront plus taxés. Côté UE, ce sont les fromages et les produits laitiers qui bénéficieront de « larges quotas sans taxes ». Concernant la viande, les pays du Mercosur pourront exporter jusqu’à 99 000 tonnes de bœufs avec des taxes douanières réduites à 7,5 %. Un quota supplémentaire de 180 000 tonnes pour le sucre et un autre de 100 000 tonnes pour les volailles devrait être accordé.
Le volet agricole est le plus décrié. La Fédération nationale bovine est particulièrement inquiète de cette ouverture au bœuf sud-américain dans un contexte où la filière en Europe est déjà très fragilisée. La fédération estime que le nombre d’élevages bovins a été divisé par deux depuis 2017. Le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, admet lui-même que l’UE a opéré des « concessions significatives » qui poseront « certains défis pour les agriculteurs européens ». Autre grief : l’impact environnemental. L’arrivée en masse de produits agricoles des pays du Mercosur n’est pas sans poser des problèmes écologiques, voire sanitaires. Christiane Lambert, de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), alerte : « 74 % des produits phytosanitaires utilisés au Brésil sont interdits en Europe ». Une préoccupation déjà soulevée par 340 ONG européennes et sud-américaines. Par ailleurs, l’importation en masse de produits alimentaires pose question à l’heure du changement climatique et de l’incitation à une consommation plus locale. « On ne peut pas promouvoir une agriculture durable et faire du climat une priorité, et importer sa viande de l’autre bout de la planète en favorisant un modèle agricole intensif responsable de 80 % de la destruction de la forêt amazonienne », a vivement réagi l’eurodéputé PS Éric Andrieu.
De son côté, Emmanuel Macron a assuré que « les préoccupations de la France ont été intégralement prises en compte ». Il a également indiqué que l’accord ne serait pas signé tant que le Brésil ne confirmait pas son soutien à l’accord de Paris sur le climat, dont Jair Bolsonaro a menacé de se retirer. Les dés ne sont pas encore totalement jetés. En effet, le texte doit encore être ratifié par l’ensemble des parlements des États membres, puis par le Parlement européen, ainsi que par les assemblées nationales des pays latino-américains concernés. La procédure s’annonce encore assez longue et donne l’espoir aux ONG et syndicats de pouvoir faire bouger les lignes.