Pour faire face à la crise sanitaire du Covid-19, le Gouvernement français a décidé de mettre en place un dispositif de confinement depuis le 17 mars 2020. Si rester à la maison peut paraître une mesure simple, elle ne va pas de soi dans toutes les situations. Ainsi, le confinement met en lumière les profondes inégalités sociales existantes en France et qui, si elles sont connues, ne sont pas toujours visibles.
En effet, comment rester sereinement chez soi lorsqu’on est mal logé (4 millions de Français seraient concernés selon la Fondation Abbé-Pierre) ? Que l’on vit à cinq dans un « 3 pièces » ? Qu’en tant qu’étudiant on dispose de 15 m² ? Quant aux mesures prises pour assurer la continuité pédagogique à la maison ou permettre le télétravail, elles ne sont pas toujours adaptées aux populations qui n’ont pas (ou difficilement) accès à Internet. En France, près de 13 millions de personnes sont touchés par l’illectronisme (contraction d’« illettrisme » et d’« électronique »). Cela pose problème notamment pour télécharger la fameuse attestation de déplacement dérogatoire, sans laquelle il n’est pas possible de sortir. La sociologue Léa Mestdagh indique : « La fracture numérique et administrative, elle existe tout le temps, mais on n’en parle jamais alors que là, elle devient problématique ». La continuité pédagogique n’est d’ailleurs pas toujours possible pour les enfants de personnes obligées de continuer à travailler à l’extérieur, et pour lesquelles aucun dispositif d’accompagnement n’a été envisagé (caissiers, éboueurs, personnels de nettoyage…). Des populations déjà précarisées que cette crise fragilise davantage.
En outre, demander à des parents en télétravail de faire cours à leurs enfants, alors que ces derniers ne peuvent ni sortir se défouler, ni voir leurs camarades d’école ou leurs grands-parents… s’avère difficile. Les professionnels de la protection de l’enfance sont particulièrement inquiets. Pour eux cette situation est une bombe à retardement tant pour les foyers dans lesquels il y a déjà un parent violent, que dans les autres foyers a priori « sans danger ». Car la promiscuité mêlée au stress peuvent conduire à des passages à l’acte. C’est la crainte de Martine Brousse, présidente de l’association La Voix de l’enfant : « Dans certaines familles qui ne présentent aucun risque de violence, des comportements maltraitants peuvent apparaître à cause du confinement ». Mêmes craintes en ce qui concerne les violences conjugales. Les associations pensent que leur nombre risque d’augmenter dans les prochaines semaines. Rappelons que les numéros d’urgence gratuits à appeler sont le 119 pour « Allô enfance en danger » et le 3919 pour « Violences Femmes Info ».
Pour la sociologue Anne Lambert, « il faudra s’en souvenir. Il faudra que justice se fasse ». Peut-être avec un impôt spécial sur la fortune ou encore un investissement massif dans les hôpitaux, l’école et l’université « pour rattraper notre retard, et préparer notre avenir avec des infrastructures dignes ».