L’Europe exporte des pesticides interdits sur son territoire

Chaque année, des entreprises européennes exportent des substances interdites au sein de l’Union européenne (UE) en raison de leur nocivité, vers des pays dans lesquels la législation les autorise. Les ONG Greenpeace UK et Public Eye ont étudié les « notifications d’exportations » remplies par les entreprises et révèlent l’ampleur de cette pratique dans un rapport publié le 10 septembre. « Si la pratique est légale et connue, les principaux acteurs de ce commerce ont toujours pu maintenir leurs activités derrière un voile d’opacité, protégés par le sacro-saint « secret des affaires » », reprochent-elles dans leur rapport. Les pesticides interdits sont principalement exportés au Brésil, en Ukraine, au Maroc, au Mexique et en Afrique du Sud. En 2018, plus de 81 000 tonnes y ont été vendues.

Les trois substances les plus exportées sont le paraquat (un herbicide utilisé dans les monocultures de maïs, de soja ou de coton, interdit par la justice européenne en 2007 car soupçonné de lien avec la maladie de Parkinson), le dichloropropène (utilisé dans la culture de légumes, classé cancérogène probable et interdit dans l’UE depuis 2007) et la cyanamide (un régulateur de croissance utilisé dans la vigne et la culture de fruits, interdit depuis 2008). Sept pays couvrent plus de 90 % des volumes : le Royaume-Uni (avec plus de 300 000 tonnes) suivi de l’Italie, l’Allemagne, les Pays-Bas, la France (avec 7,7 tonnes), la Belgique et l’Espagne.

Greenpeace dénonce l’hypocrisie de l’Union européenne dont le système législatif « permet aux sociétés agrochimiques de continuer à inonder des pays en développement ou émergents de substances jugées trop dangereuses pour être utilisées dans l’UE ». Les risques sanitaires ou environnementaux associés à ces substances sont en effet dramatiques : décès en cas d’inhalation, malformations congénitales, troubles de la reproduction ou du système hormonal, cancer, contamination des sources d’eau potable, toxicité pour les écosystèmes.

Ironie de l’histoire, les consommateurs européens se retrouvent quand même exposés à ces pesticides sous formes de résidus dans leurs assiettes. « Les principaux pays qui nourrissent l’UE en produits agricoles importés (les États-Unis, le Brésil et l’Ukraine) font partie des destinations privilégiées des exportations de pesticides interdits depuis l’UE ». Et selon le rapport des ONG, plus l’Union européenne retire de nouvelles substances dangereuses du marché, plus les exportations augmentent. À noter toutefois que dans sa décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel français a validé l’article 83 de la loi EGALIM interdisant à partir de 2022 la production, le stockage et la circulation de certains produits phytopharmaceutiques contenant des substances bannies par l’UE.

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