La viande de laboratoire (aussi appelée in vitro, de synthèse, artificielle ou cellulaire) a été expérimentée une première fois aux États-Unis en 2013 : un steak haché de bœuf élaboré en éprouvette, surnommé « Frankenburger ». Depuis 10 ans, une vingtaine de start-ups se sont lancées dans ce secteur. Elles espèrent commercialiser leur « création » d’ici 2021. Cette fausse viande serait l’un des remèdes à la crise environnementale que nous traversons : une production en milieu stérile, nécessitant peu d’eau, pas de terres agricoles, dégageant peu de méthane tout en contribuant à répondre à la demande au niveau mondial. En outre, il n’y aurait ni souffrance animale ni mise à mort, ce qui devrait convenir aux végétariens.
Pourtant, selon Didier Toubia, cofondateur d’Aleph Farms (une de ces start-ups, basée en Israël), il s’agit d’une « vraie viande, qui provient d’un animal mais produite de manière contrôlée ». Pour cela, les chercheurs procèdent à une biopsie (prélèvement de cellules) sur un animal. L’entreprise ambitionne d’ailleurs de créer des steaks « avec l’architecture d’un muscle ». A priori, cela pourrait se substituer partiellement aux élevages industriels polluants.
Cela étant, l’association UFC-Que choisir regrette le manque d’informations concernant la composition de ces produits, secret industriel oblige… Les seules informations disponibles concernent la composition de la solution nutritive dans laquelle croissent les cellules, qui contient des acides aminés, des protéines, des sucres, des vitamines, des minéraux et des facteurs de croissance (hormones). Ces nutriments sont fournis par l’industrie chimique. Or, l’élément principal, du sérum de veau fœtal, nécessite la mise à mort d’une vache et de son veau, ce qui rend ce type de produit totalement incompatible avec un régime végétarien ainsi qu’avec l’argument environnemental. Les start-ups travaillent à la réalisation d’un sérum vegan (aucune origine animale). Quant à l’impact environnemental, il serait sous-estimé selon l’association de consommateurs. Le système de fabrication émet beaucoup de CO2, un des principaux gaz à effet de serre. Quant à l’extraction, la fabrication et l’acheminement des nutriments, ils nécessitent également beaucoup d’énergie, difficilement quantifiable aujourd’hui.
Mais cette nouvelle industrie pose également des questions d’ordre éthique. Elle sera gérée par de grandes multinationales et financée par des capitaux apportés par des fonds d’investissement. Des entreprises pour lesquelles l’éthique n’est pas au cœur des préoccupations. Mais surtout, cette nouvelle forme de culture nous éloigne un peu plus de la nature, avec un mode de fabrication totalement artificiel. Or, il est possible de réduire sa consommation de viande sans nécessairement recourir à des substituts carnés, par exemple en réintroduisant les légumineuses, les fruits secs ou encore certaines céréales complètes, comme le préconise le PNNS (Programme national nutrition santé).