La gestion des déchets radioactifs s’inscrit dans un cadre règlementaire strict. En France, il découle de la loi du 30 décembre 1991, rénovée en 2006 et codifié dans le Code de l’environnement. Selon la synthèse réalisée par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), la politique nationale dans ce domaine repose sur trois piliers dont le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR).
Le PNGMDR est un document de planification, mis à jour tous les trois ans par l’État. Il définit la déclinaison opérationnelle de la politique de gestion des matières et déchets radioactifs. Il fixe notamment un calendrier et un programme de recherches et de réalisations à mettre en œuvre pour l’entreposage des déchets. Dans le cadre de la préparation de la cinquième édition de ce plan, un débat public a été organisé entre le 17 avril et le 25 septembre 2019 par la Commission nationale du débat public (CNDP). Près de 3 400 personnes, majoritairement des experts de la question, ont pu échanger sur le devenir des déchets radioactifs.
L’un des principaux points de controverse concerne la distinction entre « matières » et « déchets ». Le Code de l’environnement définit les déchets nucléaires comme des « substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ». Ils nécessitent donc un stockage définitif. A contrario, « l’utilisation ultérieure […] prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement » permet le classement des combustibles en « matière ». Toutefois, un désaccord persiste entre les acteurs sur le classement de certaines substances après leur usage dans le réacteur, notamment le combustible MOx (mélange d’oxyde d’uranium et de plutonium) issu du recyclage du plutonium. Ce dernier est aujourd’hui considéré comme une « matière » par la filière nucléaire car le « MOx usé » pourrait être réutilisé suite au développement d’une nouvelle génération de réacteurs à neutrons rapides. La Cour des comptes notait néanmoins dans son rapport publié en juillet 2019 l’ « ambiguïté » et les limites de cette classification. Ce classement apparaît d’autant plus ambigu que la Commission à l’énergie atomique (CEA) a annoncé fin août que la construction de ce nouveau type de réacteur n’était pas prévue à court ou moyen terme.
Si la classification des substances radioactives en « matière » ou « déchet » est importante, c’est aussi parce qu’elle impacte les besoins en entreposage des combustibles usés. En effet, la nature et la capacité des solutions d’entreposage à planifier dépendent du « cycle » du combustible nucléaire. Il est à noter que les combustibles usés sont stockés pendant plusieurs années pour que leur chaleur diminue, avant un traitement ultérieur. Or, d’après la clarification des controverses techniques publiée par la CNDP, la quantité nette de combustible usé entreposée dans les centrales EDF et sur le site de La Hague (Normandie) ne cesse d’augmenter (+ 100 tonnes par an environ). S’il existe aujourd’hui un consensus sur l’arrivée à saturation des piscines actuelles en 2030 en l’absence de nouvelles capacités d’entreposage, l’estimation quantitative des besoins supplémentaires reste suspendu au choix du recyclage ou non du « MOx usé ».
Enfin, le devenir des déchets ultimes moyennement ou hautement radioactifs à vie longue constitue aussi un objet de controverse. Si l’option de référence est actuellement le stockage géologique profond (projet Cigéo à Bure), la possibilité d’un couplage entre entreposage non définitif et la poursuite des recherches pour faire baisser la radioactivité des déchets reste une alternative plébiscitée par de nombreux acteurs. Comme l’exprime le CESER Grand Est dans son avis, le projet Cigéo « s’il est bien conçu et réalisé conformément au principe de sa réversibilité, peut présenter une solution sûre et à terme pérenne » mais « la poursuite des expérimentations sur l’entreposage de longue durée permettrait de recréer la possibilité d’un choix ».
In fine, le débat sur la gestion des déchets radioactifs met en lumière la complexité de la définition même du terme de « déchet ». Il met également en évidence le degré d’incertitudes concernant le devenir des déchets nucléaires et les enjeux des choix effectués par les pouvoirs publics en la matière, d’autant qu’ils engageront les générations futures.
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À retenir :
- Le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) est l’outil de planification à court terme de la gestion des déchets issus du nucléaire en France. Il dresse le bilan des modes de gestion existants et fixe les besoins prévisibles en matière d’installations d’entreposage ou de stockage. Ce document définit également les filières de gestion des déchets radioactifs qui doivent être mises en place.
- La possibilité de valorisation ultérieure des substances radioactives régit leur classement en « matière » ou en « déchet ». Si certains combustibles usés sont considérés comme des « matières » par la filière nucléaire en raison de leur potentielle valorisation suite au développement de nouvelles technologies, cela reste sujet à controverse.
- Les capacités d’entreposage actuelles des combustibles après leur passage dans les réacteurs arriveront à saturation en 2030.
- La question de la gestion des déchets radioactifs les plus dangereux (à haut niveau de radioactivité pendant plusieurs centaines de milliers d’années) n’est pas close. Si l’enfouissement profond est la solution de référence depuis 2006, certains privilégient la poursuite des recherches pour parvenir à diminuer la radioactivité de ces déchets.
- La note de synthèse sur les controverses techniques de la CNDP permet de mieux comprendre les aspects techniques du débat.