Les cosmétiques faits maison ne sont pas exempts de reproches…

Fabriquer soi-même ses cosmétiques est une pratique de plus en plus répandue. Elle présente en effet de nombreux atouts : choix des ingrédients, réduction des déchets (contenants réutilisables), économies… Aroma-Zone, une société proposant sur son site près de 500 ingrédients et plus de 2 600 recettes, domine ce marché à 80 % et a vu son chiffre d’affaires triplé en 5 ans. Elle possède également 2 boutiques physiques, à Paris et à Lyon, et revendique un fichier de plus d’un million de clientes. Un succès considérable qui inspire puisque d’autres entreprises, telles que Mycosmetik ou Joli’essence, se sont lancées sur ce marché.

Anne Vausselin, cofondatrice et responsable opérationnelle d’Aroma-Zone, parle notamment des enjeux en termes d’environnement : « Nos contenants sont réutilisables, nous proposons des ingrédients non OGM, des dérivés d’huile de palme réduits au strict minimum et la part de nos matières premières labellisées bio est en augmentation ». Elle met également en avant le souci des consommatrices d’avoir le contrôle sur la composition des produits qu’elles utilisent. L’UFC-Que choisir s’est donc intéressée à ce secteur, qui n’est pas si rose.

Tout d’abord, contrairement à ce que pourrait laisser croire la prédominance de logos sur le site, la certification en bio n’est pas systématique. Sur 6 recettes cosmétiques testées par l’UFC-Que choisir, moins de la moitié des ingrédients utilisés étaient bio. Une offre de matières premières pas toujours disponible est en cause : substances non certifiables ou encore venant de contrées isolées où la démarche biologique n’est pas encore suffisamment développée.

Ensuite, si les consommatrices sont séduites à l’idée de maîtriser la composition de leurs produits, notamment en évitant les allergènes, cela n’est pourtant pas complètement garanti. L’association de consommateurs a en effet relevé des informations contradictoires pour un même produit entre le site Internet, les recettes disponibles en PDF et les étiquettes des ingrédients : ce ne sont pas toujours les mêmes allergènes qui sont mentionnés ! L’UFC-Que choisir reproche en outre à Aroma-Zone d’inclure de nombreux ingrédients inutiles (ou du moins dont on pourrait se passer), comme les huiles essentielles, grandes pourvoyeuses d’allergènes.

Enfin, l’association s’est interrogée sur la création de ces recettes. Anne Vausselin  a répondu qu’Aroma-Zone disposait d’un laboratoire de formulation « comme dans n’importe quelle entreprise de cosmétiques ». Mais l’entreprise a un discours ambigu sur le statut des recettes. D’un côté, elle indique sur son site que celles-ci doivent être scrupuleusement respectées, de l’autre, les animatrices d’ateliers encouragent les clientes à les personnaliser. Sur ce point, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) s’est prononcée suite à une campagne d’inspections menée en 2016 et 2017 dans plusieurs entreprises du secteur. Elle dénonce un flou généralisé concernant le statut des produits commercialisés et a constaté le non-respect de la réglementation liée aux produits cosmétiques. L’agence a d’ailleurs prononcé des injonctions à l’encontre d’Aroma-Zone, des marques Huiles et sens, Mycosmetik, La compagnie des sens, Joli’essence, Omega Pharma, Oléassence et Laboratoires Gilbert afin qu’elles modifient leurs pratiques. Elle exige un étiquetage précis, notamment des allergènes, et surtout un « dossier d’information produit » garantissant l’innocuité et la stabilité dans le temps. Quant au statut des recettes proposées sur les sites Internet, « les opérateurs nous ont dits qu’en tant que vendeurs de matières premières, ils ne donnaient les recettes qu’à titre indicatif, explique Vanessa Picot, inspectrice référente pour les produits cosmétiques à l’ANSM. Pour nous, ce n’est pas acceptable, car les consommateurs se fient à ces recettes. Le problème, c’est que nous n’avons pas, à ce jour, une réglementation sur laquelle nous appuyer pour imposer le changement de ces pratiques. »

Vanessa Picot conseille malgré tout de bien suivre les recettes de ces sites Internet car même si ce n’est « pas bordé », cela reste toujours mieux que d’improviser. Il faut toutefois rester prudent, notamment avec les huiles essentielles, et elle rappelle que « le consommateur ne doit pas croire que parce que c’est naturel, et parfois bio, il n’y a pas de  risques ». Un a priori encore très fréquent…

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