De plus en plus de fruits et légumes sont étiquetés « sans pesticides » par les marques, suggérant des produits bons pour la santé et l’environnement. Qu’en est-il vraiment ?
Depuis quelques années, de nouveaux labels ont fait leur apparition sur les étals de fruits et légumes dans les grandes surfaces. Des allégations telles que « Zéro résidu de pesticides », « cultivé sans pesticide de synthèse » ou encore « sans résidu de pesticide détecté » fleurissent sur les emballages, promettant de préserver la santé et l’environnement pour moins cher que le bio. Mais ces produits remplissent-ils réellement leurs engagements ? Pas si sûr si l’on en croit une enquête de la DGCCRF (Répression des fraudes).
Un tiers des échantillons non-conforme
En 2018, les agents de la Répression des fraudes ont effectué des analyses sur 94 produits estampillés avec ces labels, dont les résultats sont aujourd’hui révélés par l’UFC Que-Choisir. Plus du tiers des échantillons comportaient des résidus de pesticides à des doses significatives (au-dessus du seuil appelé « limite de quantification »). La DGCCRF précise toutefois que ces contrôles ont été réalisés en « ciblant les opérateurs et les produits susceptibles de présenter des non-conformités » et que donc les résultats « ne sont pas généralisables à l’ensemble du marché ».
Mais même si les deux tiers sont conformes, pour l’association de consommateurs cela n’est pas si simple. Elle indique que la moitié des fruits et légumes conventionnels ne contiennent pas de résidus quantifiables. A ce titre, les produits labélisés « sans résidus » ne seraient pas meilleurs que les produits conventionnels.
Des pesticides utilisés quand même
Par ailleurs, l’UFC met en avant le fait que, même en respectant scrupuleusement leurs engagements, l’intérêt de ces produits sur la santé et l’environnement n’est pas garanti. Tout d’abord, l’apposition de ces labels ne signifie pas qu’aucun pesticide n’a été utilisé. Certains ne laissent pas, ou peu, de traces quantifiables, et ils peuvent être employés dans les premières étapes de culture, ce qui leur laisse le temps de disparaître avant la récolte ce qui serait quand même avantageux pour notre santé. Ensuite, contrairement au bio dont les certifications engagent les producteurs sur l’ensemble des parcelles de leur culture et sur plusieurs années avant d’avoir le fameux sésame (avec un contrôle annuel organisé ainsi qu’un contrôle inopiné tous les deux ans), les labels « sans résidus » ne concernent bien souvent qu’une partie des parcelles, pour une culture annuelle. Il ne s’agit pas d’une démarche globale ni durable. Ainsi, même si l’absence de traces protège le consommateur, l’usage de produits phytosanitaires a des conséquences sur la santé de l’agriculteur et sur l’environnement. Selon Nicolas Munier-Jolain, agronome à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), « Pour l’environnement, les labels « cultivés sans pesticide » font sans doute mieux que les « sans résidu » », même si tous ne se valent pas, précise-t-il…
En effet, ces labels sont très variables les uns des autres. A titre d’exemple, l’UFC-Que choisir cite le label Demain la terre « cultivé sans pesticide de synthèse », qui concerne toutes les étapes de la production, tandis que celui de l’alliance Nature et Saveurs, lui, ne s’applique qu’aux étapes qui surviennent après la floraison. Charge aux consommateurs de faire le tri…
Ces labels « sans résidu » semblent donc davantage relevés du marketing. La DGCCRF a mené des analyses supplémentaires en 2019. Les résultats, encore attendus, permettront de savoir si les producteurs se sont améliorés.
Le meilleur moyen d’être sûr que le produit respecte à la fois la santé et l’environnement, c’est de privilégier le bio. Il peut s’avérer plus cher en grande surface, mais l’achat de fruits et légumes de saison en vente directe est souvent plus intéressant. D’ailleurs, le produit agricole bio, « cultivé sans pesticide » chimique de synthèse, est soumis à contrôle et analyse aux résidus ; l’agriculteur bio en est responsable et ne pourra le vendre en bio en cas de positivité. Les affaires se compliquent en général lorsque les pratiques de l’agriculteur bio n’en sont pas à l’origine et que le produit s’est fait contaminé par les projections de traitements des champs voisins… Les distances de traitement sont régulièrement abordées au sein des collectivités pour leurs administrés et riverains mais également au sein de la profession agricole entre agriculteurs. Le débat n’est pas simple, l’agriculture ne se vit pas sous cloche.
Suremballage à tous les étals !
La crise sanitaire a amplifié un phénomène déjà présent dans les supermarchés : le suremballage, parfois poussé à l’extrême. Sous prétexte de faire gagner du temps ou encore de mieux protéger le consommateur, des enseignes n’hésitent pas à vendre sous barquette plastique des bananes, des avocats ou des oranges déjà épluchées, des quartiers de melon, divers fruits coupés en morceaux, des œufs durs écalés… La nature a pourtant prévu tout ce qu’il faut pour protéger les fruits et légumes mais les industriels préfèrent en rajouter une couche, au détriment du bon sens.
De même, inutile d’acheter des savons spéciaux pour nettoyer les fruits et légumes et se protéger ainsi du Covid-19 ! Un nettoyage classique à l’eau éventuellement additionnée de vinaigre blanc est suffisant. Au consommateur d’être vigilant face aux stratégies mercantiles des industriels qui vendent (à prix d’or) des produits bruts totalement dénaturés…