L’électrique et la transition énergétique : une équation difficile

Nos sociétés occidentales se tournent de plus en plus vers le tout électrique, qu’il s’agisse de véhicules ou encore de la dématérialisation de nombreuses démarches, afin de limiter le recours aux énergies fossiles et de se rapprocher des objectifs de l’accord de Paris. Mais si l’électricité permet de réduire considérablement la pollution localement, sa production ne nous préserve pas totalement du changement climatique. Ce sont les conclusions d’un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) rendu public mardi 13 novembre. Le World Energy Outlook, la publication annuelle (en anglais) de l’institution basée à Paris, analyse les conséquences d’une électrification rapide des usages sur la production et la consommation d’énergie.

D’après l’agence, les investissements en faveur de la mobilité électrique et du chauffage électrique pourraient amener à une augmentation de 60 % à 90 % de la demande mondiale en électricité. Cela représenterait deux fois les États-Unis en termes de consommation ! Et si la production d’électricité continue d’être assurée par des centrales à charbon ou à gaz, le bénéfice est quasi nul, ces infrastructures étant fortement émettrices de gaz à effet de serre.

Mais l’AIE rassure en indiquant qu’en contrepartie les énergies renouvelables se développent rapidement et devraient coûter de moins en moins chères. L’augmentation du recours au solaire et à l’éolien est nécessaire pour remplacer petit à petit les énergies fossiles. D’ailleurs, selon les estimations, 40 % de l’électrique sera d’origine renouvelable en 2040 contre 24 % aujourd’hui. Cependant pour l’agence, cette accélération pose la question des énergies intermittentes dans le système. C’est-à-dire des sources de production d’énergie renouvelable qui ne sont pas disponibles en permanence et dont la disponibilité varie fortement sans possibilité de contrôle (le vent, le soleil…). Cela demandera aux réseaux électriques une plus grande flexibilité. Les pays devront également s’assurer que les capacités de stockage d’électricité ou de production seront mobilisables en fonction des besoins.

L’agence met en évidence deux autres problématiques. D’une part, elle indique que pour respecter l’accord de Paris, il faudrait ne construire aucune nouvelle centrale à charbon de plus que celles existantes ou déjà en construction. D’autant que certaines d’entre elles (notamment en Asie) ont moins de 15 ans et ne sont pas prêtes de s’arrêter… D’autre part, de nombreuses centrales nucléaires en Europe et aux États-Unis vont atteindre les 40 ans. Pour Laura Cozzi, co-auteure du rapport de l’AIE, « les décisions de poursuivre ou d’arrêter des réacteurs pourraient avoir un impact important, tant sur la sécurité d’approvisionnement que sur les émissions de gaz à effet de serre ». De son côté, Tim Gould, coauteur du rapport, pointe la responsabilité des gouvernements face à la transition énergétique. D’après le rapport, plus de   70 % des investissements dans le secteur de l’énergie à réaliser d’ici 2040 seront à la charge des États. Ils sont estimés à plus de 2 000 milliards de dollars (1 780 milliards d’euros).

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