Dans son livre « Voyage au bout d’un like… ou l’enfer numérique », le journaliste Guillaume Pitron alerte sur la pollution numérique.
Pollution invisible…
Une pollution invisible, sans goût ni odeur, dont les géants d’Internet (GAFAM, acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) se gardent bien de nous informer. Les usages du numérique sont dématérialisés et, à ce titre, semblent n’avoir aucune incidence sur l’environnement. Or il n’en est rien, bien au contraire. Cette industrie est fortement polluante à tous les échelons : de la fabrication des appareils (extraction de minerais rares, pollution des écosystèmes…) à leur destruction (décharges à ciel ouvert en Afrique) en passant par l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux (centres de données alimentés par les énergies fossiles).Selon le journaliste, c’est une pollution plus importante que celle générée par le trafic aérien. « La pollution de nos données (…), c’est 4 % des émissions de gaz à effet de serre, un peu moins. Or, le trafic aérien civil mondial, c’est 2, 5%, donc c’est 1,5 fois plus ».
… effets réels!
Mais cette pollution est invisible pour le consommateur : satellites, réseaux de câbles sous-marins (la très grande majorité de nos échanges passe par ce biais), centres de données ultra sécurisés répartis partout dans le monde… Ces derniers sont parfois cachés par les GAFAM. À titre d’exemple, Facebook et Amazon installent de nouveaux centres sous le nom d’autres sociétés. Les géants du Web tenteraient d’invisibiliser ainsi leur présence et donc leur impact aux yeux des consommateurs pour les maintenir dans l’ignorance. « Cette industrie est partout mais ne se voit nulle part. Ce qui n’est pas entendu, pas vu, ne peut pas être critiqué. » On dénombre aujourd’hui près de 3 millions de centres de données à travers le monde. Ils sont toujours plus nombreux car nous sommes accrocs à la vitesse. Tout doit aller toujours plus vite, les données sont donc stockées dans divers endroits afin qu’en cas de panne, un autre data center puisse prendre le relais. Or, ces derniers nécessitent de l’eau et de l’électricité pour fonctionner et se refroidir. Une électricité qui, le plus souvent, provient d’usines de charbon…
Dépendance numérique
Le problème est que nous sommes en quelques sorte « drogués » au numérique : réseaux sociaux, photos, vidéos, géolocalisation, commandes en ligne, applications diverses et variées… le smartphone fait partie intégrante de nos vies et il semble aujourd’hui impossible de s’en passer, même pour les plus militants. Guillaume Pitron souligne ainsi le paradoxe des jeunes générations, impliquées dans diverses luttes (diminution de la consommation de viande, réduction des déchets, achats de seconde main, baisse – voire suppression – des voyages en avion…) mais incapables de réfréner leur consommation du numérique. Pour le journaliste, cette stratégie d’invisibilisation des géants du Web a contribué à « cette méconnaissance absolument abyssale » de la pollution numérique.
Un numérique responsable est-il possible?
Concernant l’émergence d’un numérique plus durable, Guillaume Pitron se montre sceptique. « On va vers une consommation toujours plus compulsive (…). On ne prend pas le chemin vers un numérique responsable », même si selon lui des solutions existent, comme rallonger la durée de vie de nos équipements ou les réparer plus systématiquement. Cela serait déjà un progrès significatif étant donné que la pollution générée par les interfaces est responsable de la moitié de la pollution numérique. Quant au recyclage, c’est un énorme enjeu des années à venir. La quantité de déchets électroniques produite chaque année dans le monde représente l’équivalent de 5 000 Tours Eiffel !
Enfin, l’avenir d’Internet semble être l’interconnectivité. Demain, nous passerons sans doute des objets connectés aux implants avec un usage d’Internet qui dépassera l’usage du smartphone, et un flux de données toujours plus important. Des données majoritairement produites par des robots pour des robots. Guillaume Pitron illustre cela avec une image très parlante : « On dit qu’il faut vider sa boîte mail, ce qui est absolument indispensable. Mais en fait, je vide l’océan à la petite cuillère face au tsunami de données qui se prépare ».
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