Les nanomatériaux manufacturés sont utilisés depuis près de 30 ans dans l’industrie, notamment agroalimentaire, pour leurs propriétés spécifiques à la nano-échelle (dimension comprise entre 1 et 100 nanomètres, soit l’infiniment petit). Dans le domaine de l’alimentation, ils sont d’abord utilisés en tant qu’additif (pour améliorer l’aspect et l’appétence d’un produit, en modifiant sa couleur ou sa texture). Ils peuvent aussi servir comme matériaux au contact des aliments, notamment pour améliorer la sécurité du conditionnement : par exemple, l’utilisation de nano-argent pour ses fonctions antimicrobiennes. Ils peuvent enfin avoir une vocation nutritive (comme le carbonate de calcium utilisé à l’état nanoparticulaire dans les laits infantiles pour atteindre une teneur suffisante en calcium).
Depuis 2013, en France, la déclaration de ces substances à l’état nanoparticulaire est obligatoire via le registre R-Nano géré par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Ainsi, les fabricants, importateurs et distributeurs de plus de 100 grammes de substances à l’état nanoparticulaire doivent chaque année, les déclarer, indiquer les quantités manipulées ainsi que les usages prévus. Mais selon l’Anses, « l’identification et la traçabilité des nanomatériaux dans le domaine de l’alimentation s’avèrent encore aujourd’hui limitées ». L’agence a déjà publié plusieurs expertises depuis 2006. Mais le 17 octobre 2016, elle a été saisie par la Direction générale de l’alimentation (DGAL), la Direction générale de la santé (DGS), la Direction générale du travail (DGT), la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), pour réaliser une expertise relative aux nanomatériaux dans les produits destinés à l’alimentation.
Dans son avis rendu en mai 2020, l’agence indique avoir référencé 37 substances, utilisées en tant qu’additifs ou ingrédients alimentaires, pour lesquelles elle considère que la présence de nanoparticules est avérée ou suspectée. A partir des bases de données de l’alimentation (Oqali, GNPD), près de 900 produits alimentaires intègrent au moins un additif ou un ingrédient répondant à la classification « substances pour lesquelles la présence de nanomatériaux manufacturés est avérée ». Les sous-secteurs alimentaires les plus concernés sont le lait infantile (25,6 %), les confiseries (15,6 %), les céréales du petit déjeuner (14,8 %), les barres céréalières (12,9 %), les viennoiseries et desserts surgelés (10,9 %). L’Anses souligne que ce recensement a été effectué avant la suspension en France du E171.
Il s’agit d’une première étape pour l’agence, qui a établi un état des lieux. La suivante consistera à étudier les risques sanitaires que pourraient représenter ces substances pour les consommateurs.