Pénurie de médicaments inédite en France 

En 2017, plus de 530 signalements de ruptures de stocks de médicaments ont été envoyés à l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament), soit une augmentation de 30 % par rapport à 2016. Ces pénuries concernent les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), c’est-à-dire ceux pour lesquels une interruption de traitement est « susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme, ou représente une perte de chance importante pour les patients au regard de la gravité ou du potentiel évolutif de la maladie » (Art. 151 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé). Il s’agit d’anticancéreux (notamment pour le traitement de la leucémie et du cancer des ovaires), d’antiparkinsoniens (150 000 patients en France), de certains antibiotiques, de vaccins tels que le BCG (tuberculose), le Ticovac (encéphalite à tiques) et le DT Vax (diphtérie et tétanos), etc.

La principale cause de cette pénurie serait une concentration des centres de production qui fragilise la chaîne du médicament. La plupart des principes actifs sont fabriqués aux États-Unis ou en Asie, sur un nombre restreint de sites. En cas de problèmes (par exemple, une mise aux normes nécessitant la fermeture d’une usine), cela entraine une baisse importante de la production et des retards de fabrication. À cela s’ajoutent une augmentation de la demande dans les pays émergents ainsi que des incidents plus conjoncturels comme des catastrophes naturelles ou des variations de la demande en raison d’épidémies ou de campagnes de santé publique.

De leurs côtés, les pharmaciens sont en colère. Les ruptures de stocks sont de plus en plus fréquentes et peuvent s’éterniser, parfois plusieurs mois. Pour les patients qui suivent des traitements réguliers, les professionnels de santé tentent d’anticiper les commandes, mais cela pèse sur leur trésorerie. Quant aux grossistes, ils sont obligés de rationner leurs stocks et de les répartir entre plusieurs officines. Les patients se voient alors prescrire des médicaments alternatifs, parfois plus chers ou d’une efficacité moindre.

Le rôle de l’ANSM est d’anticiper le risque d’indisponibilité, d’organiser un suivi des stocks et de coordonner les approvisionnements (avec la possibilité de restreindre les canaux de distribution aux seules pharmacies hospitalières). L’agence doit par ailleurs pallier instantanément les pénuries. Quant à l’entreprise pharmaceutique, elle est tenue d’informer l’ANSM de tout risque de rupture, puis de proposer des alternatives.

Dans un rapport d’information publié le 2 octobre 2018, le Sénat alerte sur ces pénuries qui « mettent en danger la confiance dans notre système de santé ». Après trois mois de travaux, les sénateurs ont formulé 30 propositions qui visent à sécuriser l’accès aux produits de santé. Parmi elles, le renforcement des moyens financiers de la pharmacie centrale des armées et de l’agence générale des équipements et produits de santé (Ageps), la mise en place d’achats groupés dans l’Union européenne de vaccins essentiels et de médicaments destinés à des populations restreintes ou encore l’autorisation pour les pharmaciens de déconditionner les boites pour ne donner que le nombre nécessaire de comprimés.

Pour aller plus loin :

La liste complète des médicaments concernés est recensée sur le site Internet de l’ANSM.
L’Académie de pharmacie a aussi émis des recommandations sur l’indisponibilité des médicaments indispensables dans un rapport daté du 20 juin 2018.

Partager