L’Observatoire des inégalités vient de publier la deuxième édition de son rapport sur la pauvreté en France, actualisant les données de 2018 et offrant de nouveaux éclairages. Malgré des données encore manquantes (les revenus étant connus en France avec deux années de décalage), les effets de la crise économique liée au Covid-19 se font déjà sentir.
D’après l’Observatoire, la population des 18-29 ans semble de plus en plus semble menacée par la pauvreté. « Entre 2002 et 2018, le taux de pauvreté des 18 à 29 ans a déjà progressé de plus de 50 % », précisent les auteurs du rapport. En 2017, 5 millions de pauvres étaient recensés en France, dont près de la moitié a moins de 30 ans. Cette tranche de la population comporte, d’une part, des enfants de familles pauvres, d’autre part de jeunes adultes en difficulté d’insertion professionnelle.
La crise sanitaire a accéléré ce déclin avec, notamment, la disparition des petits boulots destinés aux étudiants. Les extras dans l’hôtellerie et la restauration ainsi que le baby-sitting ont disparu avec le confinement. Les emplois intérimaires et les services à la personne ont été supprimés massivement alors qu’ils étaient souvent la principale source de leurs revenus. Par ailleurs, les nouveaux arrivés sur le marché du travail ont été les premières victimes de la crise économique. Ils n’ont bien souvent pas acquis le minimum de droits pour accéder aux aides. D’après le baromètre d’octobre 2020 réalisé par Prism’Emploi, un jeune sur deux a modifié ses projets, revoyant ses ambitions à la baisse en changeant de secteur, voire de métier. Enfin, Lucas Chancel, codirecteur du Laboratoire sur les inégalités mondiales à l’Ecole d’économie de Paris, déplore que les situations familiales ne soient pas mieux prises en compte : « On agit comme si toutes les familles étaient bien portantes et pouvaient aider les jeunes en difficulté. Or, la moitié des familles françaises n’ont pas de patrimoine, ou quasiment pas ».
Le taux de pauvreté baisse passé 25 ans, en raison de plusieurs facteurs : une meilleure insertion sur le marché du travail, une vie de couple qui permet d’amortir la pauvreté mais aussi l’éligibilité au RSA. Avant cet âge, pour bénéficier de cette allocation, il faut pouvoir justifier d’au moins deux ans de travail au cours des trois dernières années, ou être parent, ce qui en réduit la portée. Le débat sur l’ouverture du RSA aux moins de 25 ans est vif en France et le refus d’élargir les aides sociales aux jeunes repose sur la crainte que ces derniers ne cherchent pas de travail. Or, selon Elise Huillery, chercheuse spécialiste de la pauvreté, « de nombreuses études montrent que ces réactions sont en réalité extrêmement minoritaires ». Elle suggère d’augmenter l’impôt sur les successions et de redistribuer ces ressources supplémentaires sous forme de « capital de départ » pour les jeunes. De son côté, l’Observatoire des inégalités estime qu’il suffirait de 7 milliards d’euros pour créer un revenu minimum unique (RMU) « assurant à tous les plus modestes 900 euros par mois pour vivre ».
Le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé plusieurs mesures en faveur des plus précaires tandis que l’Assemblée nationale s’est prononcée pour l’ouverture d’un débat sur la question du RMU, sujet phare de la campagne pour l’élection présidentielle de 2017.