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Agriculture biologique : Les Français convaincus

Les Français n’ont jamais autant consommé de produits bio. Les agriculteurs sont quant à eux de plus en plus nombreux à se convertir, mais les aides de l’Etat tendent à diminuer…

178 € par an et par personne

La consommation de produits bio est en constante augmentation et suscite un réel engouement auprès des Français. En effet, en 2019, le marché du bio en France a quasiment atteint les 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 13,5 % de plus qu’en 2018. « C’est quatre fois le marché français des smartphones ! » s’enthousiasme Philippe Henry, président de l’Agence Bio, la plateforme nationale d’information et d’actions du ministère de l’agriculture. Les Français consomment en moyenne 178 € par an et par habitant de produits bio contre 144 € pour les Allemands. L’œuf est le produit bio le plus consommé, représentant près d’un tiers de la consommation totale d’œufs en France (+ 20 % depuis 2018).

2,3 millions d’hectares

En parallèle, les conversions d’exploitations agricoles dans la filière bio progressent également. La surface agricole utile dédiée au bio est passée de 7,5 % en 2018 à 8,5 % en 2019. L’étendue des terres cultivées bio a atteint les 2,3 millions d’hectares, le double de 2014. Des conversions qui profitent aussi à l’emploi, puisque selon les chiffres de l’Agence bio, le bio représenterait 179 500 emplois directs en 2019 (+ 15 % par rapport à 2018).
Les régions où les évolutions sont les plus significatives sont celles où la filière était jusqu’à présent peu présente (Ile-de-France, Hauts-de-France ou encore les Antilles). Le Grand Est est une région particulièrement dynamique avec la région Bourgogne-Franche-Comté qui comptent ensemble 27 000 hectares convertis.
Toutefois, le France est encore loin de son objectif d’atteindre 15 % des surfaces agricoles en bio d’ici 2022. Et les décisions politiques prises ne semblent pas aller dans le bon sens…

Fin des aides au maintien ?

La conversion n’est pas chose facile pour un producteur. Gérard Michaut, président de la commission de l’Observatoire national de l’agriculture bio indique que c’est pour eux « une révolution, et une inquiétude (…) il faut être aidé ». Et il existe plusieurs dispositifs d’accompagnement pour les exploitants, notamment l’aide à la conversion et l’aide au maintien (dont le montant unitaire à l’hectare est variable selon la nature de la culture). Cette aide est calculée sur le surcoût moyen engendré par le système d’exploitation biologique par rapport aux coûts de production en agriculture conventionnelle. Il y existe aussi un crédit d’impôt pour les entreprises agricoles réalisant plus de 40 % de leurs recettes en bio.
Or, si les aides à la conversion sont garanties pendant trois ans aux exploitants qui souhaitent passer au bio, le gouvernement avait annoncé en 2017, par le biais du ministre de l’agriculture de l’époque, qu’il se désengageait au-delà de 2020 des « aides au maintien », qui prenaient le relais après trois ans. Si certaines régions continuent de soutenir la filière, plusieurs ont décidé de ne pas compenser le retrait du ministère de l’agriculture, ce qui constitue une perte souvent significative pour les exploitants. Une incertitude qui devrait durer jusqu’aux décisions de la nouvelle politique agricole commune (PAC)… en 2023. Bio en Grand Est (Fédération des agriculteurs bio du Grand Est) avait interpellé les élus de notre grande région dès cette annonce pour trouver des solutions. Le réseau a par ailleurs participé à la réunion sur la future PAC du 11 septembre dernier à Tomblaine « afin de positionner la bio dans les débats » alors que les crédits annoncés pour les dispositifs devraient accuser de fortes baisses : – 28 % pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et – 11 % pour le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA).
De son côté, le secrétaire national de la Confédération paysanne, Damien Houdebine, est inquiet et craint que des exploitations reviennent à une agriculture conventionnelle si la conjoncture devient moins bonne dans les années à venir. Une inquiétude que ne partage pas le président de l’Agence Bio : « Je suis dans le bio depuis vingt ans, et je me suis toujours demandé s’il n’y aurait pas, à un moment donné, saturation. L’histoire ne l’a jamais montré (…) ». D’après l’Agence bio, le taux de « déconversion » (retour à l’agriculture conventionnelle) s’élève à 4 % et dans la majorité des cas, il s’agirait davantage de raisons personnelles qu’économiques selon l’Agence.


Production locale : désillusion post-confinement
La production locale (mais pas toujours en agriculture biologique), a connu un fort accroissement d’activité durant le confinement. Un besoin des consommateurs de revenir à plus d’authenticité et de proximité avec les agriculteurs de la région. Une volonté aussi de mieux contrôler le contenu de nos assiettes, en particulier durant ces périodes d’incertitudes sanitaires. Un réel changement dans les habitudes alimentaires des Français ? A priori non pour le moment. Quelques semaines après le déconfinement, de nombreux consommateurs ont repris leurs habitudes et sont retournés dans les grandes surfaces. Yannick Ladonnet, éleveur et producteur de lait dans les Vosges, confie à France 3 Grand Est « A chaque crise sanitaire, nos ventes font un bond, mais sitôt la crise passée, cela se calme ». Mais il reste optimiste car, si les ventes de produits lorrains ont augmenté de 60 % en avril, en pleine crise sanitaire, 25 % de la clientèle nouvelle est restée fidèle pour le moment.
En Alsace, le président du Département du Bas-Rhin, Frédéric Bierry, a annoncé le 16 mai dernier la création d’un « plan Marshall des circuits courts », doté d’une enveloppe de 200 millions d’euros pour soutenir les filières locales.

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