Déchets : Les objets aussi sont gaspillés

On entend beaucoup parlé de gaspillage alimentaire. Pourtant, il ne concerne pas que l’alimentation, mais également les objets (vêtements, accessoires, électroménagers, outils, fournitures diverses). Or nous gaspillons bien plus que nous ne l’imaginons !

La notion de gaspillage est souvent associée à l’alimentation, notamment en raison des nombreuses campagnes d’informations qui ont été mises en place depuis les années 2010. Les consommateurs sont davantage sensibilisés à cette question aujourd’hui. Mais nous pensons moins au gaspillage généré par les objets. D’après l’ADEME (agence de la transition écologique), chaque année, 630 millions d’euros de biens non-alimentaires invendus sont détruits. Des biens souvent encore en bon état et qui auraient donc pu encore servir.

Gaspiller n’est pas toujours jeter

Les Français ont souvent beaucoup de possessions sans forcément s’en rendre compte. Néanmoins, la période de confinement du printemps dernier a permis à de nombreuses personnes d’en prendre conscience, notamment en prenant le temps de faire du tri. L’ADEME a publié en juin 2020 une synthèse, « Valorisation de recherches en sciences sociales « gaspillage non alimentaire » », dans laquelle elle bat en brèche les idées reçues sur cette forme de gaspillage mal évaluée par les consommateurs.
En effet, les représentations que nous nous faisons du gaspillage sont fortement influencées par le gaspillage alimentaire. La nourriture non consommée est jetée. Nous associons donc naturellement le gaspillage au fait de jeter. Or, en ce qui concerne les biens non-alimentaires, ce n’est pas toujours le cas. Le gaspillage des objets est aussi lié à leur perte d’utilité. Ils sont inutilisés mais ne finissent pas pour autant à la poubelle. Pourtant, l’accumulation et le stockage d’objets sont bien une source de gaspillage. Ils ne sont pas remis en circulation alors qu’ils pourraient servir à d’autres personnes qui en ont besoin. Le fait même d’acheter s’apparente à du gaspillage. C’est le cas de l’achat d’impulsion, quand nous cédons à la tentation. C’est d’ailleurs le sentiment de 74 % des personnes interrogées par l’ADEME dans le cadre de son étude, qui considèrent qu’acheter des produits sans en avoir besoin est une forme de gaspillage. La publicité et les offres promotionnelles font la part belle aux achats impulsifs.
Certains objets sont également peu (voire pas) utilisés en raison d’un changement d’habitude, d’une déception ou encore par crainte d’en avoir besoin un jour (le fameux « on ne sait jamais, ça peut servir »), comme les robots ménagers dédiés à des occasions spécifiques, le matériel de bricolage pour des travaux inachevés, des articles de sport pour des activités qui ne sont plus pratiquées, des vêtements dans lesquels on espère rentrer à nouveau…
Il y a aussi les objets imposés (cadeau, héritage, surprise associée à un autre achat comme le jouet dans les paquets de céréales…). Des acquisitions non volontaires, mais qui sont souvent conservées sans être utilisées.
Les placards des Français sont également remplis de gadgets électroniques (en particulier des téléphones portables), conservés en vue d’être hypothétiquement réparés un jour et qui finissent pourtant par devenir complètement obsolètes.

La faute au voisin ?

Le gaspillage est souvent perçu comme étant de la responsabilité des autres (les grandes surfaces, les industriels, la société de consommation, son voisin…), chacun sous-estimant le gaspillage qu’il génère lui-même. Ce sentiment est souvent dû à la mise à distance que nous mettons avec les objets accumulés, qui se retrouvent généralement au grenier ou à la cave. Loin des yeux, nous n’y prêtons plus attention.
Les pratiques sont souvent héritées de l’enfance et les habitudes d’acquisition et d’accumulation sont difficiles à changer. En outre, le gaspillage est favorisé par un manque de compétences et d’accès aux circuits de réutilisation. « Les recherches montrent [que] (…) l’impression de ne pas pouvoir faire, est un facteur expliquant les pratiques de gaspillage ».

Attention avec l’occasion

Le réemploi et l’achat de seconde main sont répandus et sont un bon moyen de faire des économies tout en donnant une deuxième vie aux objets. Ils permettent de limiter l’impact nocif du neuf qui nécessite toujours plus de ressources pour être fabriqué. Néanmoins, l’achat d’occasion peut avoir des effets pervers. En effet, Valérie Guillard, professeur des Universités en Marketing à l’Université Paris-Dauphine, a mené des travaux de recherche sur les pratiques à l’égard des objets de seconde main (projet Rechange, financé par l’ADEME) et a constaté que « la revente et l’achat d’occasion sont des pratiques qui encouragent à s’équiper à moindre coût et éventuellement à acheter des biens non nécessaires et “surconsommer“ ».

Dans ses recommandations pour les politiques publiques, l’ADEME indique dans son rapport que les citoyens et les acteurs économiques peuvent être rassemblés autour de la notion d’anti-gaspillage « en utilisant ce terme, à condition de clarifier les messages associés et surtout de développer des représentations positives plutôt que moralisatrices ou culpabilisantes, en mettant en valeur des pratiques anti-gaspi facilement accessibles ».

Partager