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Les autorités veulent calmer l’emballement du crédit immobilier

Depuis quelques années, les banques prêtent à tour de bras. Les encours de crédits ont grimpé de 6 % par an entre 2017 et 2019, pour atteindre 1 100 milliards d’euros. Cette croissance du crédit immobilier est jugée « trop rapide » par François Villeroy De Galhau, Gouverneur de la Banque de France, puisqu’elle « atteint 6,7 %, soit deux fois plus que la moyenne européenne et beaucoup plus que la croissance économique ». S’il n’y a pas encore de bulle sur le crédit immobilier en France, il est nécessaire d’agir pour éviter tout dérapage selon les autorités financières. Le Haut Conseil à la stabilité financière (HCSF), en charge de la surveillance du système financier français, a donc émis une série de recommandations le jeudi 12 décembre 2019 visant à calmer la frénésie du prêt immobilier.

Dans son communiqué, le HCSF, présidé par le Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, s’inquiète d’une « dégradation des conditions d’octroi » des prêts à l’habitat dans un contexte de taux d’intérêt durablement bas. Cela équivaut à rappeler à l’ordre les banques, jugées trop laxistes lorsqu’elles accordent un crédit immobilier. Tout d’abord, il est recommandé aux banques de respecter la règle tacite selon laquelle le poids du remboursement d’un prêt ne doit pas dépasser 33 % des revenus de l’emprunteur, afin de ne pas mettre en péril le budget du ménage. Or, ces dernières années beaucoup d’établissements y ont dérogé. Aujourd’hui, dans 28 % des cas, le taux d’effort, partie des revenus consacrée au remboursement, des emprunteurs est supérieur à 35 %, selon les données de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). « Cette part a progressé de plus de 5 points depuis 2015 », note le HCSF.

L’allongement de la durée des prêts est une autre source d’inquiétude pour l’autorité financière qui préconise de ne plus accorder de prêts de plus de 25 ans. En effet, la durée moyenne des crédits immobiliers a augmenté de deux ans depuis 2015. Elle s’établit en 2019 à 20 ans et demi, et 5 % des crédits octroyés dépassent même 25 ans. Cet allongement de la durée des prêts a permis à beaucoup de jeunes ménages de devenir propriétaires. Ces derniers seront ainsi parmi les premiers touchés par les restrictions de crédit demandées par le HCSF. Toutefois, l’autorité ne souhaitant pas entraver brutalement l’accession à la propriété des ménages, elle précise que les banques pourront s’écarter du strict respect de ces critères dans 15 % des cas, « dont les trois-quarts réservés exclusivement aux primo-accédants et aux acquéreurs de leur résidence principale, dans la limite d’un endettement inférieur à sept années de revenus ».

Ces mesures formulées par le Haut Conseil n’ont pas de caractère contraignant. Néanmoins, si elles n’étaient pas suffisamment suivies d’effet, le HCSF menace de rendre ces dispositions obligatoires ou d’exiger des établissements de crédit « davantage de capital à raison des nouveaux crédits non conformes aux bonnes pratiques établies », c’est-à-dire d’augmenter leurs fonds propres (ce qui est une mesure très pénalisante, donc dissuasive), à partir du second semestre 2020.

Par ailleurs, en cette période de taux d’intérêt très bas, voire négatifs, l’emballement des crédits immobiliers fragilise aussi le secteur financier. En raison de la concurrence acharnée que se livrent les banques, « la rentabilité des nouveaux crédits et de l’encours dans son ensemble est faible » souligne le HCSF. Si tous les établissements de crédit le déplorent, aucun n’a pris le risque de relever ses taux car le crédit immobilier a toujours été le principal outil de conquête et de fidélisation des clients. Dans ce contexte, le taux d’intérêt moyen du prêt à l’habitat est ainsi tombé à 1,12 % en novembre 2019.

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À retenir :

  • Le nombre de crédits immobiliers octroyés en France progresse rapidement ces dernières années. Entre 2017 et 2019, les encours ont augmenté de 6 % par an et atteignent aujourd’hui 1 100 milliards d’euros.
  • Face à cette frénésie, l’autorité de surveillance du système financier (le HCSF) a formulé des recommandations aux établissements de crédit :
    • Les charges de remboursement d’un prêt ne doivent pas excéder un tiers des revenus de l’emprunteur, afin de prévenir le surendettement des ménages.
    • Les crédits octroyés ne pourront pas dépasser une durée de 25 ans.
  • Pour l’heure, aucune banque n’a pris le risque de relever ses taux car le crédit immobilier est un « produit d’appel » permettant de gagner de nouveaux clients dans un secteur très concurrentiel.
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