Près de 90 % des médecins généralistes ont reçu au moins un « avantage » de l’industrie pharmaceutique entre 2013 et 2016, selon la base de données Transparence Santé. Cette dernière a été mise en place suite au scandale du Médiator pour mieux connaître les liens d’intérêts dans le secteur de la santé. Ce registre recense les différents cadeaux (équipement, repas, frais de transport, logement,…) offerts par les entreprises aux praticiens de santé.
Une étude, publiée le 6 novembre 2019, révèle que ces avantages ont pu influencer les prescriptions médicamenteuses des médecins français. Comme l’indique le Docteur Pierre Frouard, coordonnateur de l’étude, « les avantages perçus sont associés en moyenne à des ordonnances plus coûteuses pour l’Assurance-maladie et moins en conformité avec les recommandations sanitaires pour les médicaments étudiés ». Pour obtenir ce résultat, l’équipe de chercheurs a exploité les informations de la base de données Transparence Santé, et les a croisées avec le système national des données de santé de l’Assurance maladie pour l’année 2016.
La méthodologie employée ne permet pas de démontrer de relation de cause à effet. Néanmoins, l’étude révèle qu’en moyenne, par rapport aux groupes de médecins ayant bénéficié d’avantages de l’industrie pharmaceutique, ceux qui n’en ont reçu aucun ont émis des prescriptions moins coûteuses en 2016. Ces praticiens ont d’ailleurs davantage recours aux médicaments génériques et délivrent moins de vasodilatateurs et de benzodiazépine pour des durées longues, conformément aux recommandations. Par ailleurs, le Docteur Frouard note que « l’effet est significatif même pour les petits cadeaux ».
Ces résultats renforcent l’idée, notamment formulée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans l’une de ses publications, que l’industrie pharmaceutique peut influencer les pratiques des médecins et les « conduire à choisir un traitement qui n’est pas optimal, parfois au détriment de la santé du patient ». A ce titre, les auteurs de l’étude indiquent que leurs résultats concordent avec des travaux menés aux États-Unis. Le Docteur Bruno Goupil, auteur principal de l’étude, rappelle que « les firmes dépenses 23 % de leur chiffre d’affaires dans la promotion des médicaments, dont les cadeaux ne sont qu’une petite partie ». Il ajoute qu’ « il semble peu probable que cet argent soit dépensé à perte ».