L’essor des géants du Web sur le marché du paiement inquiète

L’Autorité de la concurrence a publié un rapport le 29 avril dernier pour évaluer la situation concurrentielle dans le secteur des nouvelles technologies appliquées aux activités financières et, plus particulièrement, aux activités de paiement. L’Autorité relève plusieurs points de vigilance face à l’essor des géants du Web dans ce secteur.

Les GAFA américains (Google, Apple, Facebook, Amazon) mais également les BATX chinois (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiao-mi) offrent en effet des services de technologies financières, développés aux côtés des acteurs bancaires traditionnels. Ils proposent notamment des modes de paiement novateurs pour les consommateurs et de nouveaux services diversifiés (gestion de compte, aide au paiement de la TVA pour les PME, etc.).

Un risque d’atteinte à la concurrence

Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, explique : « les GAFA peuvent avoir des avantages concurrentiels considérables à faire valoir » et ajoute qu’ils bénéficient de positions fortes sur leur marché d’origine susceptibles de « créer des risques d’abus de position dominante ». A titre d’exemple, Apple dispose de 1,6 milliard de clients, utilisateurs de ses smartphones, tablettes et montres connectées, ce qui lui permet de proposer un parcours client fluide, mais également d’exploiter des données sur les usages et sur les paiements.

Par ailleurs, le rapport souligne que « les Big Tech font face à des coûts marginaux plus faibles que ceux des banques traditionnelles, ce qui renforce leur capacité à offrir “gratuitement” aux consommateurs leurs solutions de paiement ».

Les banques menacées ?

Les acteurs bancaires traditionnels français ont accepté de passer des accords de partenariat et de coopération avec les FinTech et BigTech*, notamment avec Apple Pay, car ces services font l’objet d’une demande forte de la part des consommateurs, qu’ils ne peuvent ignorer. En parallèle, ils continuent d’investir de façon intensive dans la recherche et le développement pour améliorer leurs offres.

Le rapport met en avant la relation gagnant/gagnant entre les deux : d’une part, les banques tirent profit de l’agilité et des innovations des FinTech, et d’autre part, les FinTech bénéficient de la notoriété des banques, de leurs canaux de distribution, de leur base de clientèle, ou encore de leur aptitude à maîtriser les contraintes règlementaires. Cependant, l’Autorité de la concurrence appelle à la vigilance : « La menace pour [les banques] serait d’être reléguées à un rôle d’exécutant. »

L’essor de ces plateformes fait également craindre des pratiques anticoncurrentielles. Les consommateurs pourraient se retrouver piégés dans un écosystème pouvant conduire à la mise à l’écart et à la marginalisation, à terme, des acteurs bancaires traditionnels. Par exemple, les utilisateurs d’appareils Apple ne peuvent passer que par Apple Pay pour le paiement sans contact. L’accès à l’antenne NFC est en effet restreint sur ces appareils et ne permet pas l’installation d’offres concurrentes. Cela a conduit Bruxelles à ouvrir une enquête en juin 2020, visant à déterminer si Apple respecte les règles de concurrence.

* FinTech : start-up opérant dans le secteur bancaire et financier / BigTech : grandes entreprises technologiques (les GAFA)

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