Serres chauffées en bio autorisées, sous conditions

Cela fait plusieurs mois que le débat fait rage dans le monde de la bio. Il s’agissait de trancher la question des serres chauffées en hiver pour la production de fruits et légumes bios hors saison. La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (Fnab), le réseau Action Climat, la Fondation Nicolas Hulot et Greenpeace avaient lancé une pétition, s’opposant fortement à cette idée et dénonçant un risque d’industrialisation de l’agriculture biologique. Selon eux, le marché de la bio (en plein expansion avec une croissance à deux chiffres) attire de nouveaux acteurs économiques qui poussent à des pratiques incompatibles avec le cahier des charges bio, menaçant ainsi tout le système. De leurs côtés, Coop de France et les chambres d’agricultures (Apca) estimaient au contraire qu’une interdiction totale allait créer une distorsion de concurrence avec les autres pays européens, freinant l’essor du bio français.

Finalement, le Comité national de l’agriculture biologique (Cnab), chargé de statuer, a décidé de valider la mise en place de serres chauffées, mais en l’encadrant. Ainsi, il sera interdit de commercialiser les produits de ces serres entre le 21 décembre et le 30 avril, afin de limiter la période de chauffe. Par ailleurs, toute nouvelle serre chauffée destinée à l’agriculture biologique devra impérativement recourir aux énergies renouvelables dès leur installation. Pour les serres existantes, le délai est repoussé à 2025. Ce compromis permet d’instaurer des limites.

A l’heure actuelle, plus de 150 hectares de serres chauffées pour des productions bio sont en projet, et d’autres devraient se développer rapidement. Cette technique, qui allonge la période de production, permettra de mieux répondre à la demande croissante de fruits et légumes bio dans les rayons des magasins, mais également dans les restaurants et dans les cantines. L’objectif du gouvernement est d’arriver à 15 % de surfaces agricoles cultivées en bio d’ici 2022 (soit deux fois plus qu’en 2018), et à 20 % de ce type de produits en restauration collective publique (article 24 de la loi Egalim). « On n’y arrivera pas qu’avec des circuits courts et petits producteurs locaux », estime Olivier Nasles, qui a mené les négociations au sein du Cnab.

Au niveau européen, la réglementation impose seulement de respecter les « cycles naturels » des produits et de faire une utilisation « responsable de l’énergie » dans ces serres. Mais pas de limitation de dates, entre décembre et avril, que d’ailleurs aucun autre pays européen n’applique. Pour la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), c’est une « distorsion permanente de concurrence que la France impose à ses producteurs ». Le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a promis de porter la position française à Bruxelles, dès la rentrée prochaine.

En plus d’un risque d’industrialisation et du non-respect de la saisonnalité, chauffer des serres semble être un non-sens écologique, à l’heure du changement climatique et où la transition énergétique est plus que jamais un sujet urgent. L’une des clés réside sans doute dans l’information et l’éducation du consommateur. Il est contradictoire de vouloir consommer du bio et d’exiger des fraises et des tomates en hiver… En revanche, consommer bio, local et de saison en bio est tout à fait faisable, en plus d’être économiquement plus intéressant.

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