Stationnement payant : les automobilistes subissent les dysfonctionnements de la réforme

La réforme du stationnement payant, issue de la loi du 27 janvier 2014, a instauré la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant sur voirie. Depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2018, les collectivités territoriales détiennent la compétence en la matière, c’est-à-dire qu’elles décident des tarifs pour stationner dans leur commune mais aussi de l’organisation pour sanctionner les contrevenants. L’autre mesure phare de cette réforme est le remplacement de l’amende contraventionnelle (PV), dont l’usager doit s’acquitter en l’absence ou en cas d’insuffisance de paiement, par un forfait de post-stationnement (FPS). Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a publié le 14 janvier 2020 un rapport accablant contre ce nouveau système, jugé « illisible, inégalitaire et inefficace ».

Selon ce rapport, les automobilistes sont victimes des « défaillances récurrentes de ce dispositif ». Certains se voient délivrer des « FPS indus, suite à une mauvaise lecture de l’heure de stationnement maximale autorisée ou de la carte de mobilité réduite », tandis que d’autres reçoivent des « FPS majorés malgré un RAPO (recours administratif préalable obligatoire) favorable ». Machines mal-réglées, impossibilité de payer en liquide ou applications mobiles pour régler à distance qui dysfonctionnent…, le Défenseur des droits passe en revue l’ensemble des déconvenues auxquelles font face les usagers.

Au-delà de ces nombreuses insuffisances, le rapport épingle les difficultés de contestation du FPS. Celle-ci « doit se faire devant la collectivité territoriale par la voie d’un RAPO, puis en cas de refus devant la juridiction administrative spéciale appelée Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) ». Les usagers sont donc confrontés à une « multitude d’interlocuteurs » à chaque étape d’une procédure qui se révèle complexe et peu lisible, « conduisant à des situations d’inégalités de traitement en fonction de la collectivité et du gestionnaire ». Cette illisibilité des démarches à mettre en œuvre est renforcée par le fait que la contestation du FPS ne peut se faire que par voie dématérialisée (site internet, sans ligne d’appel téléphonique).  À cela, il faut ajouter les « bugs, la saturation du serveur » mais aussi des « erreurs matérielles et juridiques encore trop fréquentes ».

Le droit de recours des usagers est également entaché par les retards fréquents dont fait preuve l’administration dans le traitement des RAPO. En cas de dossier incomplet, cette dernière doit formuler une demande de régularisation auprès de l’usager dans un délai d’un mois car une fois ce délai écoulé, le RAPO devient irrégulier. Si l’automobiliste s’obstine à refuser de payer le FPS, il doit alors saisir la CCSP. Située à Limoges, cette jeune institution est déjà saturée : « le nombre de requêtes introduites entre mars et décembre 2018 s’élevaient à 72 367 alors que la prévision initiale portait sur un volume de 100 000 requêtes par an ». Le rapport insiste notamment sur le « formalisme excessif et la complexité » de la procédure de saisine de la CCSP qui explique que « 95 % des requêtes [qui lui sont adressées] sont considérées comme incomplètes ». A cela s’ajoute une condition de recevabilité de la saisine de la CCSP qui est très dissuasive et que contestent nombre d’usagers : le paiement préalable du FPS ou du FPS majoré.

Selon Jacques Toubon, ces dysfonctionnements provoquent « une atteinte aux droits des usagers du service public et au principe de sécurité juridique ». S’il ne remet pas en cause le bien-fondé de la réforme, c’est bien « sa mise en œuvre qui pose problème ». Le Défenseur des droits formule ainsi 20 recommandations pour garantir l’égalité des droits des usagers et leur droit de recours. Il demande, par exemple, qu’un guichet physique d’information soit mis en place dans chaque commune concernée par le stationnement payant, ainsi qu’un allongement des délais de contestation et le retour du recours gracieux.

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À retenir :

  • La réforme du stationnement payant, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, confère aux collectivités territoriales la liberté de définir elles-mêmes les tarifs du stationnement sur voirie, ainsi que leur mode d’organisation pour sanctionner. Avec cette réforme, l’amende contraventionnelle est devenue « forfait de post-stationnement (FPS)» et les voies de recours ont été modifiées.
  • Pour contester un FPS, il faut faire un « recours administratif préalable obligatoire » (RAPO) devant la collectivité. En cas de refus de ce dernier, vous devez saisir la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) à Limoges.
  • Le Défenseur des droits dénonce les dysfonctionnements dans la mise en œuvre de la réforme, tant au niveau des nouveaux dispositifs de verbalisation que de l’accessibilité des voies de recours.
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