La carte de France des pesticides

Le journal Mediapart a dévoilé une base de données inédite, constituée par l’Agence française pour la biodiversité, et qui répertorie tous les achats de produits phytosanitaires par commune. La première version de cette base de données avait été mise en ligne en juin 2018, mais rapidement retirée sous la pression des lobbys.

Ces nouvelles données sont intéressantes à plusieurs niveaux. Tout d’abord, elles permettent une cartographie plus fine que les précédentes informations diffusées par l’ONG Générations futures, puisqu’elles sont à l’échelle des communes et non plus des départements. Ensuite, parce qu’elles indiquent les noms des produits et des substances, ainsi qu’une classification selon leur dangerosité pour l’homme et l’environnement. Enfin, la communication sur les achats est bien plus pertinente que la précédente qui portait sur les ventes. En effet, à titre d’exemple, une entreprise bretonne qui vend des produits phytosanitaires à un agriculteur situé en Normandie se voyait attribué, dans l’ancienne base de données, les quantités de pesticides vendues alors que celles-ci étaient utilisées dans une autre région… Répertorier les acheteurs (donc in fine les consommateurs de ces substances) est bien plus probant.

Cependant, Mediapart apporte des éléments pour nuancer la lecture de ces résultats. Le journal rappelle que certains paramètres doivent être pris en compte, comme la superficie agricole utilisée (SAU), qui diffère d’une région à l’autre. Celles possédant plus de surface agricole vont mathématiquement recourir davantage aux pesticides. Leur utilisation va également varier selon le type de culture. Mediapart cite les viticulteurs en exemple qui, en 2000, consommaient à eux seuls 20 % des pesticides en France alors qu’à l’époque, les vignobles ne représentaient que 3 % de la surface agricole utile (SAU), tandis que les cultures de maïs réunissaient 10 % de la consommation pour 7 % de SAU… Les conditions météorologiques sont aussi à prendre en compte, car elles poussent les agriculteurs à acheter plus ou moins de produits sur une période. Enfin, selon un chef de service du ministère de la transition écologique, qui a souhaité rester anonyme, il y aurait un « effet stock », notamment en ce qui concerne des produits qui seront peut-être bientôt interdits à la vente (comme le glyphosate). « Ils [les agriculteurs] achètent beaucoup plus de produits qu’ils n’en consomment ».

La région ayant le plus acheté de produits phytosanitaires en 2017 est la Nouvelle-Aquitaine, avec 9 141 tonnes. La région la moins gourmande est la Corse (avec 233 tonnes). La région Grand Est a acheté 7 125 tonnes de pesticides cette année-là, ce qui la situe dans la moyenne haute (bien que l’Alsace soit plutôt bonne élève).

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