Le paiement fractionné permet de régler de petites sommes en plusieurs fois, sans frais. Mais cette forme de facilité de paiement n’est pas sans risque.
Montants inférieurs à 200 €
De nombreuses enseignes de vente en ligne (La Redoute, Auchan, Fnac, Go Sport, Decathlon, Amazon, Rueducommerce, etc.) ainsi que des portefeuilles électroniques comme Paypal proposent le paiement fractionnéau consommateur, à savoir de régler ses achats en trois ou quatre fois sans frais pour des montants inférieurs à 200 €. Une opération qui s’avère avantageuse pour ces enseignes puisque selon une étude réalisée par un prestataire de paiement et relayée par l’UFC-Que Choisir, le panier de l’acheteur qui paie de façon fractionnée est en moyenne 20 à 50 % plus élevé que celui du consommateur qui règle au comptant.
Selon FLOA Bank, banque du groupe Casino et leader français des solutions de paiement sur web et mobile, un quart des Français (25 %) a déjà eu recours à ce service. Et ceux qui l’ont adopté ont tendance à l’utiliser de nouveau puisque ils effectuent, en moyenne, quatre achats avec cette solution dans l’année. En outre, 78 % d’entre eux sont prêts à aller dans une autre enseigne pour en profiter.
Cet engouement peut s’expliquer par la facilité avec laquelle le paiement fractionné est accordé. Il suffit en effet d’insérer sa carte bancaire dans le terminal du point de vente ou de choisir cette option lors de la transaction sur un site marchand et la réponse est instantanée. Les algorithmes permettent d’interroger la banque pour s’assurer que la première mensualité pourra être réglée et vérifier la solvabilité du client. D’après Marc Lanvin, directeur général adjoint de Floa Bank, « entre 80 et 90 % des dossiers sont acceptés ».
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Paiement fractionné : une pratique non encadrée
Toutefois cette pratique n’est pas encadrée, la loi sur le crédit à la consommation visant les crédits d’un montant supérieur ou égal à 200 € ou d’une durée supérieure à 3 mois. Le député LREM Philippe Chassaing pointe les dangers du paiement fractionné dans un rapport sur la prévention du surendettement. Il réclame un encadrement de la pratique qui selon lui devrait être soumise au minimum à des règles concernant la publicité, l’information du coût du crédit, et l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur. Ces dispositions sont en effet aisément contournées avec le paiement fractionné ; or, les risques existent bel et bien, notamment en raison des frais imputés en cas d’incident de paiement qui peuvent être conséquents, bien au-dessus du taux autorisé dans le cadre d’un crédit à la consommation. Il suffit que le plafond de paiement par carte soit atteint pour qu’une mensualité soit bloquée, entraînant des pénalités de retard, jusqu’à 30 ou 40 % du capital restant dû.
Risque de surendettement
Le paiement fractionné serait un déclencheur d’achat pour 72 % des consommateurs. Les faibles sommes annoncées pour les mensualités minimisent la perception de la dépense. Un constat qu’admet Angelo Caci, directeur général de Syrtals Cards – un cabinet de conseil spécialisé dans la monétique – auprès d’UFC-Que Choisir : « Cela risque parfois d’entraîner des excès, d’inciter à l’achat, ce qui est susceptible de mettre en difficulté des personnes qui ne sont pas suffisamment attentives à la gestion de leur budget ».
Par ailleurs, le paiement fractionné peut être une façon pour les enseignes de pousser les clients à souscrire à la carte de paiement du magasin. Il s’agit le plus souvent de carte avec un crédit renouvelable adossé, permettant d’utiliser une somme prêtée par l’établissement afin de réaliser des achats à crédit dans le magasin. Il convient donc d’être prudent avant de signer un contrat lors d’un achat réglé en plusieurs mensualités.
Pour Philippe Chassaing, le risque de surendettement à terme est bien réel. De son côté, l’UFC-Que Choisir alerte également les autorités et appelle le gouvernement français à profiter de la prise de la présidence de la Commission européenne pour six mois en janvier 2022 afin de réviser la directive européenne sur le crédit à la consommation et supprimer ainsi les seuils permettant aux prêts de faibles montants d’échapper aux règles de protection du consommateur. À noter que le paiement fractionné est déjà dans le viseur de Bruxelles puisque la Commission européenne a entamé des discussions sur la révision de cette directive en juin dernier.
BON A SAVOIR
Toutes les cartes bancaires ne sont pas éligibles
Certaines cartes bancaires ne permettent pas d’utiliser le paiement fractionné. C’est notamment le cas de celles réservées aux publics fragiles ou celles d’entrée de gamme des grandes banques, des néobanques et des établissements de paiement. En effet, les cartes prépayées ou à autorisation systématique ne garantissent pas que l’argent sera présent sur le compte au moment des prochains prélèvements. Ces cartes sont utilisées principalement par des personnes modestes, des adolescents ou encore des étudiants. Les cartes bancaires « basiques » des banques en ligne ou de certains comptes sans banque peuvent être paramétrées pour accéder à ce mode de paiement, mais seul le commerçant et son prestataire de paiement peuvent au final accepter ou non de délivrer le service. Enfin, concernant la carte Nickel, délivrée par les buralistes, BNP Paribas (qui détient la marque) rappelle que « c’est le commerçant qui décide ». D’après l’UFC-Que Choisir, la carte Nickel est systématiquement refusée sur plus de 150 sites de e-commerce.