Alimentation

Alimentation des Français : source de tension et de frustration

Si l’acte de manger répond avant tout à un besoin métabolique, l’alimentation est également le reflet de notre identité, de notre culture, mais aussi de notre rapport au plaisir. Une récente étude dresse le portrait alimentaire des Français et révèle une profonde mutation dans la mesure où l’acte de se nourrir cristallise aujourd’hui toutes les tensions de notre société.

L’Obsoco (Observatoire société et consommation) publie la seconde édition de son Observatoire Éthiques et qualité alimentaires, baptisé « La France à table« .

L’alimentation plaisir au défi des réalités économiques

L’un des principaux enseignements de l’étude est le recul de la notion de plaisir dans notre alimentation. En effet, 57 % des Français considèrent que leur alimentation leur procure du plaisir, soit une baisse de 16 points par rapport à 2016. Une érosion qui s’expliquerait par un rapport plus contraint à l’alimentation. Plus d’un tiers des consommateurs (37 %) doivent restreindre leurs dépenses alimentaires pour des raisons budgétaires.

Les comportements alimentaires s’en trouvent transformés : descente en gamme, arbitrages systématiques en faveur du prix au détriment de la qualité, évitement des grandes marques…, les inégalités se creusent, privant certains ménages d’un accès à une alimentation choisie. En parallèle, les Français se montrent de plus en plus préoccupés par les incidences des aliments sur leur santé (60 %, soit 4 points de plus qu’en 2016). Pourtant, « l’attention réellement portée à ces effets diminue – une dissonance entre intentions et contraintes », indique l’étude.

Il en est de même pour l’impact environnemental de l’alimentation, qui inquiète 7 Français sur 10. Mais cette préoccupation ne se traduit pas vraiment dans les actes d’achat, là aussi en raison d’arbitrages budgétaires.

Le manque de temps et la charge mentale sont également des facteurs qui font de l’alimentation une contrainte.

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Défiance grandissante envers les acteurs de l’alimentation

Le deuxième enseignement est la crise de confiance majeure envers l’écosystème agroalimentaire. Les grandes marques sont perçues comme chères et sans réels bénéfices tandis que les marques de distributeurs progressent. Les pratiques alimentaires ont changé fortement au regard des divers bouleversements qui ont touché la société (scandales alimentaires à répétition notamment).

De fait, un Français sur trois suit un régime particulier, les repas sont davantage individualisés et les modes d’approvisionnement se multiplient. « Les Français fréquentent en moyenne 5,3 types de commerces alimentaires différents, pour 3,3 en 2019, signe d’une stratégie d’achat de plus en plus éclatée. »

Dans ce paysage alimentaire morcelé, la filière du bio est particulièrement en tension. Selon l’Agence Bio, 54 % des Français déclarent consommer des produits biologiques au moins une fois par mois, soit une baisse de 22 points par rapport à 2021. La priorité des consommateurs est accordée au prix, dans un contexte où les produits bio sont souvent plus chers à l’achat. « Cette situation met en lumière la difficulté d’accès à une alimentation de qualité pour les ménages modestes, accentuant les inégalités alimentaires ».

L’étude pointe également une surcharge informationnelle des consommateurs. « Dans un paysage alimentaire saturé de messages parfois contradictoires, les consommateurs peinent à identifier des repères fiables », lit-on dans l’étude qui parle aussi de « fatigue cognitive » ; l’attention portée aux labels a baissé de 17 points par rapport à 2021.

Les six visages des Français

Les auteurs de l’étude ont élaboré six portraits types afin de synthétiser la manière dont les personnes interrogées se situent par rapport à l’ensemble des comportements alimentaires, des positionnements, des représentations et des attentes en matière de qualité et d’éthique :
1. Les « conventionnels » : adeptes et confiants dans le modèle agroalimentaire industriel,
2. Les « vigilants » : un rapport impliqué et informé à l’alimentation,
3. Les « épicuriens » : un rapport connaisseur et de plaisir à l’alimentation patrimoniale,
4. Les « contestataires » : en butte au modèle dominant, un fort engagement éthique et environnemental,
5. Les « contraints » : des restrictions et frustrations alimentaires,
6. Les « désengagés » : un désintérêt, l’alimentation se réduisant à sa dimension fonctionnelle.