Tandis que le bisphénol A est interdit en France depuis six ans, ses « cousins », les bisphénols B et S notamment, seraient tout aussi dangereux.
Le bisphénol A (BPA) a fait son apparition dans les années 1960 et a révolutionné l’industrie du plastique. Les capacités anticorrosives et la stabilité thermique de ce produit chimique en ont fait un composé de choix dans l’élaboration de nombreux objets du quotidien : emballages alimentaires, lunettes de soleil, biberons, CD, etc. Pourtant, dès les années 1990, des études scientifiques* démontrent ses effets nocifs sur la santé et l’environnement. Mais il faudra attendre 2010 pour que l’utilisation de BPA soit proscrite, en France, dans les biberons, puis 2015 pour que cette interdiction soit étendue à tous les contenants alimentaires dans l’hexagone. En 2017, le BPA est officiellement reconnu dans l’Union européenne (UE) comme un perturbateur endocrinien et une « substance extrêmement préoccupante » après une évaluation de l’ECHA (l’Agence européenne des produits chimiques).
A, B, F, S… tous pareils ?
Dans la famille des bisphénols, je demande le B. Mauvaise pioche ! Tandis que les industriels se tournent vers des alternatives au BPA, les autres bisphénols sont soupçonnés d’être tout aussi toxiques pour la santé et l’environnement.
Concernant le bisphénol B (BPB), il est utilisé pour l’instant hors Europe, particulièrement aux États-Unis où la Food and Drug Administration (FDA) l’a enregistré en tant « qu’additif alimentaire indirect utilisé dans les revêtements résineux et polymères en contact avec les aliments ». S’il présente des caractéristiques semblables au BPA pour la fabrication d’emballages plastiques, de biberons et de vaisselle, il possède également des propriétés endocriniennes similaires, « voire légèrement plus prononcées » selon l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Les experts de l’Agence avaient déjà lancé une alerte le 16 octobre 2019 et préconisé d’éviter une substitution du bisphénol A par le bisphénol B. Aujourd’hui l’Anses réitère sa mise en garde et indique dans son communiqué que « le bisphénol B peut ainsi conduire à des effets sévères pour la santé humaine et peut altérer la stabilité des espèces dans l’environnement », ajoutant « qu’il est probable que le bisphénol B puisse induire d’autres effets, par exemple sur la reproduction femelle ou le métabolisme ».
En effet, d’après les données analysées par les experts de l’Anses, le BPB augmente la production d’œstrogènes (hormones femelles) et altère le système reproducteur mâle (baisse de la production quotidienne de spermatozoïdes notamment). Par ailleurs, ses effets pourraient s’ajouter à ceux des autres bisphénols , tels que les bisphénols A et S aux propriétés similaires
L’agence propose donc d’identifier le bisphénol B en tant que substance extrêmement préoccupante dans le Règlement européen REACH (enRegistrement, Evaluation et Autorisation des produits Chimiques), à l’instar du bisphénol A. Cela permettrait, d’une part, d’éviter que les industriels européens l’utilisent, d’autre part, d’obliger les importateurs d’articles de consommation à déclarer sa présence à partir d’une concentration supérieure à 0,1 % dans leur composition.
Le dossier d’identification proposé par l’Anses est en consultation publique sur le site de l’ECHA jusqu’au 23 avril 2021. L’agence indique que cette approche pourra être étendue à d’autres bisphénols présentant des structures chimiques et effets comparables aux bisphénols A et B.
Quant au bisphénol S (BPS), il serait tout aussi toxique que la BPA. Pis, selon une étude réalisée par des chercheurs toulousains, en collaboration avec les Universités de Londres et de Montréal, et publiée dans la revue Environmental Health Perspectives en juillet 2019, le BPS reste plus longtemps dans l’organisme et à des niveaux de concentration beaucoup plus importants que le BPA. Les recherches ont été menées sur des porcelets, dont les fonctions gastro-intestinales sont proches de celles de l’Homme. Les auteurs de l’étude suggèrent que le remplacement du BPA par le BPS pourrait « conduire à augmenter l’exposition de l’homme à un composé hormonalement actif ».
Comment éviter les bisphénols ?
Le meilleur moyen de limiter l’exposition aux bisphénols est d’éviter les contenants en plastique et d’opter pour ceux en verre, en silicone ou en céramique. Si toutefois vous possédez des contenants alimentaires en plastique, il est recommandé de ne pas les employer à des fins de cuisson ou de réchauffage. Concernant les accessoires de cuisine, préférez par exemple les bouilloires en inox.
A noter qu’il existe d’autres types de perturbateurs endocriniens, comme les phtalates, les parabènes ou le triclosan, utilisés notamment dans les produits d’hygiène et de cosmétique. Les femmes enceintes et enfants, en particulier, devraient privilégier les produits « bio » et écolabélisés.
POUR EN SAVOIR PLUS
Conséquences des perturbateurs endocriniens
Les perturbateurs endocriniens interfèrent avec le système hormonal et peuvent entraîner des effets délétères notamment sur la croissance, la reproduction, le système nerveux, le métabolisme le comportement, etc. Ils peuvent être responsables, entre autres, de puberté précoce chez les enfants, de problème de fertilité, de maladies inflammatoires chroniques et même de certains cancers. La compréhension des effets des perturbateurs endocriniens est complexe en raison de ce que l’on appelle « l’effet cocktail » : les individus sont exposés à des mélanges de substances dont il est difficile de comprendre les interactions au sein de l’organisme sur le long terme.