La fondation Abbé Pierre vient de publier son 28e rapport annuel sur l’état du mal–logement en France. Après deux années de crise sanitaire, les personnes les plus modestes sont durement affectées par l’inflation et la crise énergétique. Cette année, le rapport consacre un chapitre au « genre du mal–logement », qui apporte un éclairage sur les inégalités pesant en particulier sur les femmes. Ces dernières sont plus susceptibles de se retrouver en situation de précarité, notamment en cas de séparation conjugale.
Des mal-logés plus nombreux
Selon le rapport, la France compte 330 000 personnes sans domicile – chiffre qui a doublé en 10 ans – et environ 4,15 millions de personnes mal–logées. Ce terme comprend celles sans logement personnel, vivant dans des habitations trop petites ou sans confort de base (cuisine, toilettes, chauffage). La précarité énergétique et les impayés de loyers font partie des situations mises en lumière.
Le rapport fait état par ailleurs d’une aggravation de la situation de nombreux ménages. Il s’agit de personnes ne se chauffant pas faute de pouvoir régler leur facture d’énergie. Mais aussi de celles logeant chez des proches ou encore des propriétaires vivant dans une copropriété en difficulté. Les prix de l’immobilier n’ont cessé d’augmenter dans des secteurs géographiques déjà chers, mais également dans d’autres zones où la hausse des prix s’est étendue. L’ONG reproche au président de la République de ne pas avoir tenu sa promesse concernant l’extension de la « garantie locative Visale » à tous les locataires (caution garantie par Action logement).
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Les femmes, plus vulnérables face au mal-logement
Le rapport relève également une inégalité entre hommes et femmes face au mal–logement. Les femmes, en particulier les mères, sont plus exposées au risque d’habiter dans un logement indigne ou sur-occupé. En cause, les différences en termes de ressources financières, les naissances d’enfants qui entraînent des arrêts partiels ou complets de carrière, mais également des inégalités de patrimoine.
En effet, les femmes sont moins propriétaires que les hommes et il est deux fois plus fréquent qu’un homme possède seul du patrimoine immobilier. Cet écart a tendance à s’accroître. L’inégalité de patrimoine entre hommes et femmes serait passée de 9 % en 1998 à 16 % en 2015, un des taux les plus élevés en Europe. Le rapport souligne aussi la possible existence d’une « pratique discriminatoire fréquente de l’héritage à l’encontre des femmes, réduisant leurs chances d’accéder à la propriété ».
Enfin, les violences conjugales sont également un facteur de précarisation, les femmes étant souvent contraintes de quitter le logement. D’après la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), 80 % des femmes victimes de violence sont hébergées dans des dispositifs qui ne sont pas adaptés à leur situation. Et près de 40 % des femmes victimes de violences en demande d’hébergement seraient sans solution (dont un tiers avec enfants).
Des mesures insuffisantes
La fondation juge les actions du gouvernement insuffisantes, qualifiant l’année 2022 d’année « blanche ou presque dans la lutte contre le mal–logement ». Elle estime également que les mesures mises en œuvre pour faire face à l’inflation et la crise énergétique (bouclier tarifaire, chèque énergie, aide à la rénovation énergétique…) ne sont pas correctement ciblées. Le délégué général de la Fondation, Christophe Robert, s’indigne : « aux plus riches, d’un côté, des mesures pérennes, massives ; aux plus pauvres, d’un autre côté, des mesures ponctuelles ».