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Services publics aux abonnés absents

Est-il possible d’avoir un agent du service public au téléphone pour obtenir des renseignements sur ses droits aujourd’hui ? Après une première enquête menée en 2016, le magazine « 60 millions de consommateurs », en lien avec la Défenseure des droits, a renouvelé l’expérience fin 2022 auprès des grandes administrations françaises. Objectif : vérifier si les principaux organismes (à savoir la CAF, l’Assurance maladie, Pôle Emploi et l’Assurance retraite) décrochent le téléphone et transmettent les informations sur les formalités à accomplir, au même titre que les usagers utilisant Internet les obtiennent en ligne. Les résultats sont loin d’être satisfaisants…

Selon les chiffres de la Défenseure des droits, 15 % des Français ne disposent pas de connexion Internet à domicile. Et plus d’un quart (28 %) s’estime peu ou pas apte à effectuer des démarches administratives en ligne. Dès lors, le téléphone demeure le seul canal de contact leur permettant d’obtenir les renseignements ou l’aide nécessaires… en théorie. Car dans la pratique, peu de progrès ont été réalisés depuis 2016.

Le magazine note seulement deux points positifs : la fin de la surfacturation des appels et une absence de différence de traitement notable entre les usagers lambdas (disposant d’Internet et ne présentant pas de difficulté de compréhension) et les profils types de personnes vulnérables. En effet, pour son enquête, « 60 » a déterminé quatre profils d’appelants : deux hommes et deux femmes, en situation de fragilité face au numérique (sans Internet, senior, personne étrangère avec un fort accent) et tous éligibles à des prestations. Au total, 1 532 appels ont été passés entre le 26 septembre et le 10 novembre 2022. Par ailleurs, les enquêteurs ont posé des questions ne nécessitant pas de numéro de Sécurité sociale ou d’allocataire.

Une communication difficile entre les Français et leurs administrations

Par rapport à 2016, les résultats de la CAF sont en légère progression. Néanmoins, la moitié des appels (54 %) n’ont pas abouti et la plupart des agents ont renvoyé les appelants vers le site Internet, quand bien même ils avaient précisé ne pas disposer des outils nécessaires… Les rendez-vous au guichet, en mairie ou auprès d’une assistante sociale n’ont été proposés que trop rarement.

Du côté de l’Assurance maladie, le constat est pire. Le but de l’enquête était de connaître les formalités pour l’obtention ou le renouvellement d’une carte vitale. 72 % des appels n’ont pas abouti. Et parmi les autres, seuls 22 % des appelants ont reçu une réponse acceptable. L’Assurance maladie se justifie par l’explosion des appels depuis la crise du Covid-19 (ils ont plus que doublé entre septembre 2019 et septembre 2022) et la difficulté à recruter des conseillers de façon pérenne sur les plateformes téléphoniques.

Pôle Emploi obtient de meilleurs résultats : 169 appels sur 204 ont abouti, dont 70 % ont donné lieu à des questions pertinentes de la part des agents. Une fois sur deux, la réponse attendue a été délivrée, mais pas toujours de façon suffisamment précise.

Enfin, concernant l’Assurance retraite (Carsat), la question était de savoir à quel âge l’appelant pourrait partir à la retraite. Si 72 % des appels ont abouti, seuls 23 % ont obtenu l’information attendue et 4 % une réponse détaillée. Deux tiers des appelants se sont vu refuser une réponse, faute de transmettre un numéro de Sécurité sociale.

Les personnes vulnérables exclues

L’enquête révèle que les personnes les plus exclues sont d’une part les seniors (plus de 65 ans), d’autre part les jeunes de 18-24 ans. Les premiers ne disposent souvent pas de connexion Internet à domicile, tandis que les seconds ne sont pas à l’aise avec les démarches administratives. Les personnes handicapées, les majeurs protégés, les personnes détenues ou encore étrangères sont également vulnérables.

La Défenseure des droits, Claire Hédon, rappelle que c’est au service public de s’adapter aux usagers, et non l’inverse. Les agents ne sont pas à blâmer, c’est le manque cruel d’effectifs et d’articulation entre les différents canaux de communication qui met en difficulté de nombreux usagers. « Il faut que les administrations aillent à la rencontre des usagers où qu’ils soient, explique-t-elle, afin que les personnes dont les services publics se sont éloignés ne renoncent pas à demander des droits auxquels elles peuvent prétendre ».

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