Le site Internet Doctolib est devenu un acteur incontournable de la santé numérique. Un succès fulgurant qui n’est pas sans susciter des craintes.
70 millions de visiteurs
Doctolib est une plateforme en ligne, doublée d’une application. Elle permet de mettre en relation des professionnels de santé et des patients. Lancée en 2013, la start-up française rencontre un fort succès. Aujourd’hui, elle emploie 1 600 personnes et est valorisée à plus d’un milliard d’euros.
Le site revendique 70 millions de visites de patients chaque mois. 140 000 professionnels de santé y sont inscrits : médecins généralistes et spécialistes, dentistes, kinés, podologues… Ces derniers utilisent un logiciel de gestion fourni par l’entreprise moyennant un abonnement mensuel. Un investissement, moins coûteux qu’un secrétariat, qui leur permet de gagner du temps. Comme en témoigne dans le journal Le Parisien-Aujourd’hui en France Christophe Roumier, kinésithérapeute dans le Finistère et membre du comité médical de Doctolib : « Elle [l’application] me décharge de toute la partie administrative et des rendez-vous par téléphone qui me prenaient une heure par jour ».
Du côté des patients, l’utilisation de l’application est gratuite et est entrée dans les mœurs.
7 millions de téléconsultations
L’entreprise a prospéré pendant la crise sanitaire. Notamment le déploiement de la téléconsultation a permis la continuité des soins malgré le confinement. Ainsi, le nombre de téléconsultations a été multiplié par 100. Entre janvier 2019 (date de lancement du service) et décembre 2020, 7 millions de consultations vidéo ont été réalisées. La société s’est également révélée un partenaire indispensable dans la campagne de vaccination.
Face au défi que représente la gestion de millions de prises de rendez-vous pour l’Assurance maladie et les Agences régionales de santé (ARS), Doctolib a mobilisé près de 200 ingénieurs pour développer un logiciel capable de répondre à la demande. C’est ainsi que Doctolib et ses concurrents, Maiia et KelDoc, ont été désignés par le gouvernement pour gérer les prises de rendez-vous dans les différents centres de vaccination répartis sur l’Hexagone… Sans passer par un appel d’offre.
Une omniprésence qui dérange
Un succès et une omniprésence qui suscitent aussi des inquiétudes. Jean-Paul Hamon, président d’honneur de la Fédération des médecins de France, s’est emporté le 25 mars dernier devant des parlementaires : « En donnant les mails et les portables des Français, on fait en ce moment des cadeaux à Doctolib ».
Plusieurs associations et syndicats professionnels de santé ont saisi le Conseil d’État en référé, dénonçant le « partenariat vaccin » entre Doctolib et le ministère de la Santé. Ils craignaient également pour la gestion des données personnelles des patients. Ils ont été déboutés. Bien que conscients de la prise de cette décision du gouvernement dans un contexte d’urgence sanitaire, les membres de ce collectif de plaignants pointent du doigt l’hébergeur de ces données. En effet, Amazon Web Service, entreprise basée aux États-Unis et soumise à la législation américaine. « Or les autorités des États-Unis ne reconnaissent pas le règlement général sur la protection des données (RGPD) européen », explique Maître Laurence Huin, avocate spécialisée dans le domaine de la santé.
Le cofondateur de Doctolib, Stanislas Niox-Château, se défend : « La protection à 100 % n’existe pas (…). Mais on a un niveau de sécurité parmi les plus hauts au monde. Plusieurs chiffrements ont lieu au moment du transit ou du stockage. Quant aux clés de déchiffrement, elles se trouvent chez un autre hébergeur, français celui-là (NDLR : Atos) ».
Vaccination : 320 000 rendez-vous quotidiens
Au 8 avril 2021, Doctolib comptabilisait plus de 13 millions de rendez-vous de vaccination contre la Covid-19 dans les 1 500 centres de vaccination en France, auprès des généralistes et dans les pharmacies d’officine. En moyenne, 320 000 rendez-vous sont pris quotidiennement. Près d’une quarantaine de méga centres de vaccination (appelés « vaccinodromes ») ont ouvert ou sont en cours d’installation, dont celui du Stade de France à Saint-Denis. Plus de 10 000 personnes y ont reçu leur première injection lors de la première semaine d’ouverture.
Dans la région Grand Est, des méga centres de vaccination sont en cours de déploiement, à Saint-Dizier dans la Haute Marne et à Nancy en Meurthe-et-Moselle. Un troisième devrait ouvrir en juin à Strasbourg, à l’Hôtel du Département.