Les nanomatériaux sont de plus en plus utilisés dans divers produits, notamment les cosmétiques. Leur présence fait débat en raison de leur possible influence sur la santé et l’environnement. La Répression des fraudes (DGCCRF) a intensifié ses contrôles en 2019 faisant notamment état de défaillance en matière d’étiquetage.
Manque de transparence
Les nanomatériaux sont des particules infiniment petites (mille fois plus petites que le diamètre d’un cheveu). Cela leur confère des propriétés physiques et chimiques particulières. Ils existent à l’état naturel, par exemple dans les nuages de poussières dégagés par un volcan. Ils peuvent aussi être produits par des activités humaines (comme dans la fumée d’une bougie). Depuis une trentaine d’années, ils sont fabriqués en laboratoire et entrent désormais dans la composition de nombreux produits de la vie courante : aliments, médicaments, produits de construction et cosmétiques. Or leur utilisation fait débat en raison des risques sanitaires et environnementaux qu’ils pourraient entraîner.
Ces derniers sont encore assez mal connus : d’une part, en raison du caractère relativement récent de leur déploiement à l’échelle industrielle, d’autre part, du fait du manque de transparence des professionnels. En effet, ces derniers sont dans l’obligation de déclarer les nanomatériaux qu’ils utilisent dans le registre R-nano, mis en place en 2013. Or, selon la dernière évaluation de l’Anses* en décembre 2020, menée sur 52 000 déclarations, beaucoup de données sont manquantes ou inexploitables. « L’absence de données ou la mauvaise qualité de celles-ci impacte significativement les possibilités d’exploitation, notamment en matière d’évaluation des risques sanitaires potentiels », regrette l’Anses. Par ailleurs, la mention [nano] sur l’étiquetage des produits contenants des nanomatériaux est obligatoire mais encore peu respectée.
Nanomatériaux non autorisés et défaut d’étiquetage
Depuis 2017, la DGCCRF (Répression des fraudes) mène des contrôles sur les nanomatériaux dans les produits cosmétiques. Elle a intensifié ses contrôles en 2019 sur deux aspects : la présence de nanomatériaux non autorisés, et l’effectivité de l’étiquetage des nanomatériaux autorisés dans la liste d’ingrédients. À ce titre, 70 professionnels ont été contrôlés et 30 produits ont été analysés.
Les nanomatériaux autorisés dans les produits cosmétiques sont le noir de carbone, utilisé comme colorant, ainsi que quatre ingrédients utilisés comme filtres ultraviolets :
- le dioxyde de titane,
- l’oxyde de zinc,
- le tris-biphényltriazine,
- le méthyle bis-benzotriazolyl tetraméthylbutylphénol.
Pour être autorisés, ces nanomatériaux doivent d’abord faire l’objet d’une procédure d’évaluation spécifique par un comité scientifique placé auprès de la Commission européenne, le SCCS. Lors de ses contrôles la DGCCRF a identifié neuf produits qui n’avaient pas fait l’objet d’une telle évaluation et qui, de fait, ont été retirés volontairement du marché par les professionnels concernés. Les agents de la Répression des fraudes ont également identifié trois produits de protection solaire qui contenaient des nanomatériaux autorisés pour leur action de filtre UV, mais qui n’étaient pas identifiés comme nanomatériaux dans la liste d’ingrédients (mention [nano] sur l’étiquette), alors que c’est obligatoire.
Des professionnels peu sensibilisés
Lors de leurs contrôles, les services de la DGCCRF ont constaté que les professionnels étaient peu sensibilisés à la problématique des nanomatériaux, quand bien même ils disposaient de services juridique et technique conséquents. Ils n’ont pas développé de politique de gestion spécifique pour ces substances qu’ils considèrent de la même manière que les ingrédients conventionnels.
Par ailleurs, les fabricants de cosmétiques ont fait part de leur difficulté en ce qui concerne la documentation transmise par leurs fournisseurs d’ingrédients, ce qui a conduit la Répression des fraudes à initier des contrôles chez les principaux fournisseurs d’ingrédients de la filière cosmétique. Ces investigations sont toujours en cours. Le règlement « cosmétiques » est parfois mal compris. La DGCCRF indique travailler en lien étroit avec l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) ainsi que les organisations professionnelles, les fabricants de cosmétiques et les fournisseurs d’ingrédients « pour accroître la rigueur d’application de ce règlement et faire monter en compétence toute la filière, au bénéfice de l’information et de la sécurité des consommateurs ».
La DGCCRF a également sollicité la Fédération des Entreprises de la beauté (Fébea) afin qu’elle clarifie les informations règlementaires pour ses adhérents.
Les produits naturels et bio sous surveillance
En 2019, la DGCCRF a également mené une campagne de contrôles sur les allégations bio et naturel dans les cosmétiques. Les résultats publiés le 12 mars 2020 ont fait état d’un taux d’anomalies de 24 % (sur 614 opérateurs contrôlés). Elles portaient notamment sur des allégations « sans », qui sont considérées comme trompeuses lorsque la substance est interdite dans tous les produits (car laisse à penser que la substance se trouve dans les produits concurrents, ce qui est faux). Parmi les autres anomalies constatées, il y avait la mise en avant du caractère naturel ou vegan non étayé, la survalorisation d’un ingrédient pourtant présent en une quantité parfois infime ou encore la mise en avant de bienfaits thérapeutiques.
Enfin, des allégations relatives à la préservation de l’environnement ont aussi été constatées sans pouvoir toujours être justifiées. Plus d’informations sur le site de la DGCCRF, fiche « Cosmétiques : à la recherche du “naturel“ ».
*Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail